Ladouceur foulée à nos pieds est un fil de discussion ouvert le 31 mars 2011 à 10h35 par Gorwald, dans la rubrique Macrophotographie et proxiphotographie du forum photo Pose

Au commencement, l’apparition ». C’est le titre du film trivial nous ne voyons d’abord que le fond d’une cuvette, un peu comme ces bacs en plastique utilisĂ©s par les photographes, dans leur laboratoire, pour plonger les images latentes dans un bain d’oĂč elles ne ressortiront qu’une fois rĂ©vĂ©lĂ©es ». Pas d’image, encore l’attente. Sur le fond du bac est juste peint, Ă©pais — gros pinceau, pigment laque — un grand K rouge un peu penchĂ©. Ce pourrait ĂȘtre pi, la lettre grecque. Cela ressemble mĂȘme Ă  un pictogramme chinois, et pourrait Ă©voquer, par exemple, le caractĂšre yuanqi, ou souffle primordial », qu’utilisait Guo Ruoxu, lettrĂ© chinois du XIe siĂšcle, pour calligraphier ce que peindre veut dire 2. Mais bientĂŽt, Ă  droite, dans le coin supĂ©rieur de l’écran, surgit un filet de lait. Le lait coule, dĂ©licatement, sans Ă -coups. Quelqu’un — l’artiste, invisible mais tout proche, on l’entendrait presque respirer dans ce grand silence — verse le lait. À mesure que le liquide blanc prend possession des lieux, se forme une nouvelle matiĂšre qui va devenir l’invasive voilure, le milieu mĂȘme de l’écran. Le fond du bac disparaĂźt peu Ă  peu. La lettre rouge laisse une ruine erratique, un vestige, puis une simple trace, puis une lacune Ă  peine visible en-dessous du lait et qui va disparaĂźtre, elle aussi. Au moment oĂč ce processus s’instaure, on s’aperçoit qu’une aurĂ©ole de lumiĂšre blanche a pris possession de la partie gauche de cet Ă©cran de lait. Ce n’est autre que le reflet d’une lampe de travail qui, Ă  la fois, Ă©claire le lait et se rend visible par lui, Ă  sa surface qui tremble et, donc, fait trembler tout l’espace visible. Le lait continue de couler il crĂ©e une profondeur. Avec cette profondeur, il crĂ©e un petit remous qui rĂ©vĂ©lera encore, au point de chute, le rouge de la lettre noyĂ©e. Le reflet s’agite. Quelques bulles s’égarent et viennent se rĂ©sorber dans le blanc. Tout s’apaise. Tout Ă  coup, surgit une ombre fine suivie d’un doigt humain. L’artiste Ă©tait donc bien lĂ , tout proche. Voici son corps. Et le doigt, calmement, d’une volontĂ© aussi ferme que dĂ©licate, se pose non pas sur » le lait, mais, dirai-je plutĂŽt, dans » le lait. Il traverse la profondeur liquide, il entre. Il s’immobilise, il a touchĂ© le fond. Autour de lui se forme une aurĂ©ole irrĂ©guliĂšre, un petit tourbillon de pigment rouge. On s’aperçoit alors que le doigt lui-mĂȘme Ă©tait rougi de peinture une aquarelle qui ne s’accroche pas, qui extravague spontanĂ©ment dans le liquide blanc qu’elle vient de rencontrer. Puis, le doigt se retire. À ce moment — moment magique, et c’est lĂ  qu’on se souvient du mot apparition » — se forme une fleur rouge Ă  la surface de lait. Elle ne se pose ni ne s’étend. Non, elle se forme en se rĂ©tractant, en se rĂ©trĂ©cissant lĂ©gĂšrement, comme si elle cherchait son point de plus grande intensitĂ© possible. Elle se forme en laissant l’impression que quelque chose d’elle est aspirĂ© dans le fond. C’est admirable et quelque peu inquiĂ©tant comme si le lait Ă©tait, soudain, plus profond que prĂ©vu. Tout s’apaise Ă  nouveau. Puis, tout recommence une fois. Le doigt revient, insiste, cherche un peu dans le fond. Alors cela fait mal, comme quand on dit mettre le doigt dans la plaie ». La flaque informe s’agrandit. Le doigt se retire enfin. Une autre fleur rouge, plus grande, aussi belle, aussi libre et parfaite, se forme dans le lait. C’est presque un paysage — pourtant si proche, si incarnĂ© — ou une lettre inconnue issue d’une simple fleur elle-mĂȘme issue d’un simple contact avec le liquide blanc. Par l’ascĂ©tisme et le lyrisme de ses images, le film de Sarkis Ă©voquera, sans doute, les natures mortes filmĂ©es de Paradjanov, notamment lorsque commence Sayat Nova les trois grenades et le couteau qui saignent » sur le linge blanc, la main rouge du poĂštemusicien, les tas de laine teinte qui s’écrasent sur les plateaux
 Mais, du point de vue de sa composition et de son lien Ă  l’espace de l’atelier, le dispositif de ce film, comme de la sĂ©rie qu’il prolonge 3, s’apparenterait plutĂŽt Ă  ces livres de recettes » qui ont fleuri au Moyen Âge et ont culminĂ© dans le Manuel du Mont Athos, le Libro dell’arte de Cennino Cennini ou, plus tard, le Trattato della pittura de LĂ©onard de Vinci. Dans ces films, le peintre — qui travaille pour l’occasion, comme les maĂźtres d’autrefois, avec des assistants — tient le pinceau et la camĂ©ra en mĂȘme temps. Celle-ci nous met donc dans l’intimitĂ© de l’artiste, non pas la personne biographique, mais le corps vu de prĂšs dans l’exercice de ses gestes techniques. Ayant vu ces films, on pourrait presque reconnaĂźtre Sarkis dans une foule au simple regard de ses mains, de comment elles bougent. À l’instar du Manuel du Mont Athos, du Libro dell’arte ou du Trattato della pittura, ces films sont composĂ©s en une longue suite de trĂšs courts chapitres. Et comme eux ils nous tutoient — Tu procĂ©deras comme suit 4
 » — ne serait-ce que par la proximitĂ©, la familiaritĂ© qu’ils nous offrent au regard des ustensiles, bols, liquides, matĂ©riaux, supports, pinceaux et gestes du peintre. Comme eux, ils nous Ă©merveillent et nous Ă©duquent lĂ©gĂšretĂ© poĂ©tique et prĂ©cision technique ensemble. Mais, d’abord, que nous enseigne ce film ? Fallait-il apprendre Ă  tremper son doigt dans la peinture rouge, puis dans un rĂ©cipient de lait ? Évidemment, l’enjeu n’est pas ici technique au sens du procĂ©dĂ©, mais de la procĂ©dure, voire du paradigme 5. Il s’agit, comme l’indique bien le titre du film, de commencer Ă  savoir ce que c’est que produire une apparition. Or, nous apprenons qu’une apparition, si simple soit-elle — comme cette fleur rouge qui apparaĂźt dans la blancheur d’un lait — exige la mise en Ɠuvre de toute une dramaturgie il faut une lettre au moins, soit un trĂ©sor symbolique, mais capable de disparaĂźtre un temps, noyĂ©, toujours lĂ  nĂ©anmoins, dans le milieu matĂ©riel de l’apparition ; il faut un bol, pour que l’apparition s’appuie sur quelque chose, trouve son cadre et ne se disperse pas Ă  vau-l’eau ; il faut un lait, en tout cas un vĂ©hicule et un liant » de l’apparition ; il faut un rai, c’est-Ă -dire une lumiĂšre qui rende tout cela visible, fĂ»t-ce pour un bref moment ; et, enfin, il faut un tact, c’est-Ă -dire un acte corporel capable, comme on l’a vu dans ce film, de bouleverser la surface des choses et de rendre au fond sa puissance d’affleurer sous nos yeux, fĂ»t-ce en y faisant tache. Philosophiquement, on pourrait dire qu’à toute apparition il faut sans doute un langage que l’on puisse interloquer sans l’oublier pour autant ; un fond qui s’ouvre soudain ; un milieu matĂ©riel qui s’impose alors ; une condition de visibilitĂ© pour tout cela ; et, enfin, un corps qui agit, qui se meut, qui fait l’expĂ©rience d’une telle apparition. Comme les autres de cette sĂ©rie au commencement,
 » — dans laquelle le mot johannique verbe » n’apparaĂźtra pas, supplantĂ© ici par le cri », lĂ  par la nuit » — ce petit film propose une sorte de fable technique. Technique, parce qu’elle dĂ©crit une chaĂźne opĂ©ratoire trĂšs simple mais trĂšs prĂ©cise, ce qui ne l’empĂȘche pas d’ĂȘtre surprenante ; fable, parce qu’elle assume d’emblĂ©e, par sa prĂ©sentation mĂȘme, une valeur plus gĂ©nĂ©rale, d’ordre philosophique ou poĂ©tique. Comme dans le Manuel du Mont Athos ou dans le Libro dell’arte de Cennini, le jeu rĂ©ciproque des matiĂšres colorantes ne va pas sans une rĂ©flexion plus fondamentale sur les puissances de la chair, c’est-Ă -dire sur l’incarnation 6. Comme dans le Trattato della pittura, la cuisine d’atelier ne va pas sans la conscience d’une tĂąche infinie » du questionnement devant le monde 7. Dans ces conditions, le lait de au commencement, l’apparition » est plus que du lait, comme le peint » est plus que de la peinture dans le film intitulĂ© au commencement, le pain qui nage ». Dans ces films, la boĂźte d’aquarelles ressemble Ă  une marquetterie d’Asie centrale ; le bol de mĂ©tal ressemble Ă  un calice byzantin ; le bol en porcelaine blanche ressemble Ă  un objet familial tel que Paradjanov savait si bien les filmer Sarkis me parle aussi du bol de lait dans Stalker de Tarkovski, film sur lequel il a produit une sĂ©rie d’aquarelles ; le petit son de cloche sur quoi nombre de sĂ©quences dĂ©butent ressemble Ă  la scansion d’un rituel japonais ; la cire en fusion qui coule, goutte Ă  goutte, dans l’eau claire et prend forme immĂ©diatement ressemble, quant Ă  elle, Ă  une technique divinatoire. Mais pourquoi ce lait est-il plus que du lait ? Il serait juste, mais insuffisant, de rĂ©pondre en disant qu’il participe au grand poĂšme de paraboles construit, Ă  n’en pas douter, par Sarkis. D’abord, ce lait est l’occasion de montrer un geste pictural. Il se substitue — Ă  mĂȘme l’écran que nous oppose le film lui-mĂȘme — au mur enduit pour la fresque, Ă  la toile blanche de la peinture de chevalet ou Ă  la simple feuille granuleuse de l’aquarelle. Si Pline l’Ancien a raison lorsqu’il constate que l’acte de peindre accompagne tous nos geste de vie, y compris ceux de la mort — puisque l’on dĂ©core de peinture jusqu’aux [
] bĂ»chers » funĂ©raires qui vont eux-mĂȘmes partir en cendres avec le cadavre immolĂ© 8 — alors il ne faut pas s’étonner que les menus gestes du peintre condensent, Ă  mĂȘme leur technicitĂ©, tout le noeud anthropologique des rapports entre la nature et la culture, l’humanitĂ© et les choses inertes, la vie et le trĂ©pas. Le lait de cette Apparition trĂšs picturale se souvient probablement que les Anciens peignaient au lait. Non seulement ils coagulaient, caillaient ou bleuissaient » le lait pour fabriquer cette colle de fromage qui sert Ă  prĂ©parer les fonds de panneaux d’autels — On coupe en trĂšs petits morceaux du fromage mou, on le lave avec de l’eau chaude, dans un mortier, avec un pilon, jusqu’à ce que l’eau sorte pure, Ă  plusieurs reprises. Puis le mĂȘme fromage, pressĂ© avec la main, est mis dans de l’eau froide, jusqu’à ce qu’il se durcisse. AprĂšs cela, on le broie trĂšs menu sur une table de bois bien unie avec un autre bois ; on le met de nouveau dans le mortier, on le broie avec soin avec le pilon, en y ajoutant de l’eau et de la chaux vive, jusqu’à ce qu’il devienne Ă©pais comme de la lie. Les panneaux d’autels assemblĂ©s au moyen de cette colle adhĂšrent si solidement, aprĂšs s’ĂȘtre dessĂ©chĂ©s, que la chaleur ni l’humiditĂ© ne les peut disjoindre 9 » — mais encore ils utilisaient le lait comme liant pigmentaire pittura con latte, dit-on, par exemple, dans l’Italie mĂ©diĂ©vale. Les Ă©lĂ©ments gras y servent Ă  homogĂ©nĂ©iser, la casĂ©ine adhĂšre et durcit. On trouve dĂ©jĂ  ces matĂ©riaux dans les peintures rupestres du Sahara. On utilise le lait caillĂ© ou, par analogie de texture et de couleur, le lait de chaux chaux Ă©teinte, pulvĂ©risĂ©e, tamisĂ©e et dĂ©layĂ©e dans de l’eau pour la prĂ©paration des supports. On ajoute de la cĂ©ruse, du plĂątre, des os calcinĂ©s, des coquilles d’Ɠufs. On utilise aussi le lait de figue, comme le recommande Cennini, ou le lait d’encaustique. On dĂ©signe par lait de montagne ou lait de roche diffĂ©rentes variĂ©tĂ©s de carbonates de calcium 10. Un MĂ©moire sur la peinture au lait fut encore consacrĂ©, Ă  la fin du XVIIIe siĂšcle, par un certain Cadet-de-Vaux 11. MĂȘme chose pour ce bol que l’on retrouve partout dans les films de Sarkis, que l’on retrouve aussi, en bonne place dans son atelier, comme une relique dessĂ©chĂ©e avec ses restes de cire craquelĂ©e issus de l’épisode au commencement, la coulĂ©e ». Si l’artiste joue lui-mĂȘme, figuralement — mots et images rĂ©unis — sur le pain noyĂ© dans l’eau d’aquarelle, atteint par la couleur, et le peint de tout tableau, alors qu’on accepte de se souvenir que le bol signifie, dans le vocabulaire traditionnel des ateliers, deux choses diffĂ©rentes mais qui, bien sĂ»r, font systĂšme. Le bol est, chacun le sait, un rĂ©cipient de porcelaine utilisĂ© pour certaines prĂ©parations Ă  l’eau, les dĂ©layages en particulier 12 ». L’argot français dit bol pour dĂ©signer le cul en avoir ras le bol », ne pas se casser le bol » et, surtout, le destin favorable, la chance avoir du bol », manquer de bol ». Cennino Cennini fait aux bols scodelle ou scodelline une place importante dans l’espace de l’atelier c’est lĂ  que s’agitent trivialement les pinceaux avant que la noble surface du tableau ne soit — sujets religieux obligent — touchĂ©e par la grĂące 13. Mais le bol, pour un peintre, c’est avant tout — et je vois Sarkis sourire en coin — le bol d’ArmĂ©nie. C’est une terre argileuse de couleur blanche ou rouge, voire ocre, importĂ©e d’Orient depuis l’AntiquitĂ©. IngrĂ©dient capital, puisqu’il sert de constituant Ă  la couche prĂ©paratoire des fonds d’icĂŽnes et de tous les tableaux mĂ©diĂ©vaux destinĂ©s Ă  recevoir la feuille d’or. Cennini l’appelle bolio ou bolo armenico 14. On l’utilisa mĂȘme, par la suite, comme couche prĂ©paratoire pour les tableaux Ă  la dĂ©trempe ou Ă  l’huile, Ă  cause de sa couleur rougeĂątre dĂ©licate et mystĂ©rieuse, flatteuse au passage des couleurs mais qui, malheureusement, ternissait celles-ci au fil des annĂ©es », selon un processus nommĂ© pĂ©nĂ©tration du bol, c’est-Ă -dire la remontĂ©e de la couleur du fond dans la texture des surfaces 15. Lorsqu’il est blanc, le bol d’ArmĂ©nie se prĂ©sente sous la forme d’une poudre trĂšs douce au toucher, presque onctueuse. Pline l’Ancien, qui utilise une curieuse pĂ©riphrase — l’ArmĂ©nie envoie la substance qui porte son nom » — accorde Ă  cette terre de kaolin la vertu de favoriser la croissance du systĂšme pileux, surtout les cils 16 ». Sous sa forme de terre rouge, on l’utilise plutĂŽt contre un flux menstruel excessif chez la femme, de mĂȘme que contre les poisons et la morsure des serpents 17 ». Jehan le BĂšgue, vers 1430, donnera une dĂ©finition de ce qu’il appelle bularminium — d’autres disent bolum armenicum ou, Ă  la grecque, bolos armeniacos — en parlant d’une couleur rouge capable de virer au noir color rubeus nigrescens Ă  l’image du sang de dragon » ut sanguis drachonis 18. On commence Ă  comprendre, devant cette richesse inĂ©puisable des mĂ©taphores organiques, elles-mĂȘmes soutenues par une pensĂ©e de la mĂ©tamorphose, que les menus actes commis dans un recoin d’atelier — verser du lait, appuyer son doigt, faire surgir une fleur de sang — supposent une vĂ©ritable sagesse des choses, du corps et de la matiĂšre vivante. Leur savoir ou leur folie, ou leur docte ignorance, cela dĂ©pend. Les peintres d’autrefois ne faisaient-ils pas partie de la corporation des apothicaires, pharmaciens et mĂ©decins 19 ? Tant il est vrai que leur compĂ©tence construisait le lien — efficace, matĂ©riel, symbolique — entre certaines substances, terres, plantes, humeurs, rĂ©sidus, sucs, sĂ©crĂ©tions, dĂ©coctions, mĂ©langes, etc., et le corps humain inquiet de sa vie, c’est-Ă -dire inquiet de sa mort. Sarkis, on le sait, a revendiquĂ© l’ art-mĂ©decine » de Joseph Beuys 20. Ce qui apparaĂźt dans au commencement, l’apparition » est Ă  la fois symptĂŽme et symbole, document de souffrance et image de son apaisement. Un pharmakon, pour tout dire 21. Les mots semblent trĂšs pauvres dĂšs qu’il s’agit de dĂ©crire — ne serait-ce que dĂ©crire, mais prĂ©cisĂ©ment — un objet. Que dire, alors, de notre capacitĂ© Ă  raconter une matiĂšre, un milieu matĂ©riel, un mouvement dans ce milieu, une multiplication de ces mouvements, le processus complexe de leurs mĂ©tamorphoses ? Comment regarder du lait qui coule et faire de ce regard un drame, c’est-Ă -dire une action et une Ă©criture tout Ă  la fois ? En rĂ©alitĂ©, notre sensation d’impuissance n’est lĂ©gitime que jusqu’à un certain point. Car le langage lui-mĂȘme forme matĂ©riau. Les lettres sont sĂ©parĂ©es dans un mot, les mots isolables dans une phrase et, pourtant, il ne tient qu’à l’écriture de crĂ©er, avec cela, un mouvement fluide. Il y a des poĂšmes onctueux comme du lait ou lĂ©gers comme de la cendre. Paul ValĂ©ry Ă©crivait Ô mon poĂšme ! Moi ! Chair tremblante, [
] lait ! des sons s’étirent, un Ă©veil, un grandissement de syllabes — teintures de voyelles frĂȘles, niant les silences, croissance de consonnes, toutes les mĂȘmes qui deviennent de liquides et sifflantes, labiales et liquides davantage. [
] Le feu se dĂ©clare enfin, de toutes les prĂ©sences des Ă©motions diverses il pointe et flambe [
], hurlant sur les cendres [
], d’accord avec l’aperception par l’ĂȘtre souffrant des intimitĂ©s originelles. Ce chant disparaĂźt sans finir 22 ». Il faut, pour tout dire, que les images travaillent le langage au corps. C’est ce qui nous arrive Ă  tous, poĂštes ou non, au creux de chaque nuit, lorsque nous rĂȘvons figurabilitĂ©. Or, le figurable est ce qui, dans le langage mĂȘme, renonce Ă  dĂ©couper clairement ». Ne pas couper est une de mes passions », affirme Sarkis. Dans mes films, il n’y a pas de coupure ou d’obstacle qui brise la continuitĂ© 23 », qui est continuitĂ© de temps autant que de matĂ©riau. VoilĂ  pourquoi, dans ces films, un seul matĂ©riau, fluide et indĂ©coupable par excellence — l’eau d’aquarelle — est capable de mĂ©tamorphoser tout ce qu’il touche, transformant dans une mĂȘme coulĂ©e — une mĂȘme durĂ©e — l’ombre en couleur liquide et la couleur liquide en flammes par exemple dans au commencement, le rouge et le vert » et au commencement, il brĂ»le ». C’est Ă  peu prĂšs la mĂȘme chose avec le lait. Parce qu’il porte en lui la mĂ©moire d’une expĂ©rience fondamentale d’incorporation, le lait convoque les images et, donc, interloque, fait bifurquer, modifie, refonde Ă  chaque fois le langage. ArtĂ©midore de Daldis veut-il dire ce que veulent dire les rĂȘves de lait ? Son langage ne pourra que s’égarer, s’étendre comme flaque, extravaguer, se perdre, n’affirmer que la diffĂ©rence Les rĂȘves concernant les vases ont des accomplissements diffĂ©rents. Par exemple du lait dans un pot au lait est avantageux, dans une cuvette symbole de dommage 24 ». Donc le lait n’est ni bon ni mĂ©chant, ni chance ni malchance, ni ceci ni cela. Il sera ce qu’en feront nos images, nos usages d’images. Peut-ĂȘtre parce qu’il avait une idĂ©e somme toute assez triviale du langage, Gaston Bachelard n’est pas allĂ© dans les images aussi loin qu’il le pensait. La mĂ©taphore, chez lui, passe toujours au-devant des mĂ©tamorphoses. Alors, comme il l’écrit, les mĂ©taphores [lactĂ©es] [n’]illustrent [qu’]un amour inoubliable », l’amour maternel 25. Quadruple erreur le lait est bien plus qu’une mĂ©taphore ; la mĂ©taphore fait bien plus qu’illustrer ; l’image sait ne pas oublier l’envers de la beautĂ© ou de l’amour, haine, mort ou destruction ; et rien n’est plus oubliable — malheureusement ou pas, selon les cas — que l’amour maternel, l’amour au commencement ». Dire toute eau est un lait », ou bien l’eau rĂ©elle [c’est] le lait maternel », placer une majuscule jungienne Ă  la mĂšre inamovible, la MĂšre 26 », c’est gĂ©nĂ©raliser Ă  l’excĂšs, substantialiser la matiĂšre autant que l’imago au sens psychanalytique, jungien justement, de ce terme. Bachelard Ă©nonce pourtant, dans les mĂȘmes pages, de trĂšs prĂ©cieuses hypothĂšses sur les rapports entre imagination et matiĂšre, notamment lorsqu’il Ă©crit que les images n’attendent pas toutes prĂȘtes au creux de l’imagination, qu’au contraire elles ne se dĂ©gagent qu’à partir d’une profondeur plus prochaine, plus enveloppante, plus matĂ©rielle 27 ». Ou bien lorsqu’il affirme — Ă  propos du lait comme de l’eau — que les images les plus puissantes ont plus de matiĂšre que de forme », qu’en elles c’est la matiĂšre qui commande la forme » par exemple, le sein d’une femme n’est pas un bol tout formĂ© avec du lait dedans, au contraire le sein est arrondi parce qu’il est gonflĂ© de lait 28 ». Il lui suffit alors de citer Michelet 29. Mais pourquoi Michelet Ă©tait-il allĂ© plus loin, plus vrai que Bachelard dans sa façon d’écrire le lait ? Justement parce qu’il Ă©crivait plus radicalement, ne craignant jamais, dans sa quĂȘte de vĂ©ritĂ© — vĂ©ritĂ© des images, vĂ©ritĂ© anthropologique — d’interloquer le langage en vue d’une prĂ©cision supĂ©rieure, de s’égarer dans les mots pour de meilleurs montages, d’inventer une matiĂšre verbale, de jouer avec les diffĂ©rences. Michelet ne dit pas seulement lait premier », lait heureux » ou lait prodigieux », comme Bachelard 30. Il dit aussi Ă©lĂ©ment visqueux, blanchĂątre » pour remarquer que cette chose Ă©ventuellement dĂ©goĂ»tante — pensons Ă  la peau du lait, par exemple — est la vie » mĂȘme, la vie Ă  mĂȘme sa substance organique » ou animalisable 31 ». Il regarde de trĂšs prĂšs, et ce qu’il voit n’est pas puretĂ© de lait idĂ©al mais remous, bulles, amalgames, pullulements, altĂ©rations. Il sait que le lien fondamental est un lien d’impuretĂ©. Il assigne la pensĂ©e Ă  soutenir cette impuretĂ©. Il dit Ă  raison, contre toute la philosophie d’école, que la vĂ©ritĂ© n’est jamais pure. Et puis il se risque Ă  un formidable montage laitregard. Il laisse flotter son regard sur un tableau de lactation aperçu dans les galeries du Louvre — c’est La Vierge au coussin vert d’Andrea Solario — et invente une dĂ©duction dont, bien plus tard, Jacques Lacan pourra Ă©clairer les tenants et les aboutissants Ă  travers sa notion mĂ©tapsychologique d’objet. Parce que l’enfant boit la mĂšre, la mĂšre voit l’enfant et, plus encore, Ă©tablit le lien du regard, si fortement que dĂšs que l’enfant voit la lumiĂšre [il] se voit dans l’Ɠil maternel 32 ». GrĂące au lait, le contact est regard, et rĂ©ciproquement. Est-ce jouissance ? Bien sĂ»r. Est-ce plaisir ? Pas seulement. Michelet compose une prosopopĂ©e pour ce tableau de maternitĂ© oĂč la Vierge dira Bois, mon enfant ! bois, c’est ma vie ! [
] Jouis, bois
 C’est ma douleur. [
] Bois, c’est mon plaisir 33 ». Ainsi va le lait dans l’image inconsciente du corps. Le regard du lait appelle un contact qui dĂ©sire l’incorporation. Beaucoup d’Ɠuvres d’art cherchent donc, sans le dire, Ă  imiter la puissance du lait. Le haĂŻku cinĂ©matographique de Sarkis organise dĂ©licatement ce moment de conversion il a lieu, en particulier, lorsque l’ombre du doigt sur le lac blanc — phĂ©nomĂšne visuel d’intangibilitĂ© presque atmosphĂ©rique, diaphane — se rĂ©sorbe tout Ă  coup et fait place au contact du doigt avec la surface du lait. C’est une catastrophe en miniature le statu quo est brisĂ©, la blanche beautĂ© se voit soudain percĂ©e, saignĂ©e, souillĂ©e. Ombre sur blancheur — milieu intact — cela faisait encore rĂȘver de transcendance. Mais le doigt qui s’enfonce bouleverse cet Ă©tat de choses il apporte une trivialitĂ© presque choquante, rend tangible la profondeur du lait et, donc, produit quelque chose comme un puits d’immanence d’oĂč l’on ne pourra plus vraiment s’échapper. Mettre le doigt dans la plaie, ai-je dit. On pense au geste de saint Thomas l’ApĂŽtre quand il enfonçait son doigt dans la plaie du Christ, ayant dit Si je ne vois pas dans ses mains la marque des clous, si je ne mets pas mon doigt dans la marque des clous, et si je ne mets pas ma main dans son cĂŽtĂ©, je ne croirai pas ». Et le Christ, lui maintenant le doigt dans la plaie, de rĂ©pondre Parce que tu me vois, tu crois 34 ». Car, pour lui, voir et enfoncer son doigt dedans, c’était la mĂȘme chose. Donc, Thomas aurait pu dire Je ne crois qu’à ce que je touche en profondeur ». MĂȘme ici, dans le lait, mettre le doigt, n’est-ce pas, littĂ©ralement, crĂ©er une plaie ? On pensera donc, aussi, Ă  un acte de dĂ©floration, cet acte qui porte atteinte Ă  surface, Ă  membrane, y produisant une fĂ©conde fleur de sang, faisant d’une vierge une femme que nos religions auront voulu qualifier d’ impure », pĂ©chĂ© originel oblige. au commencement, l’apparition » serait donc, aussi, le commencement d’une impuretĂ©. Et de l’attrait qui va avec 35. Dans cette perspective, le lait — Ă©mulsion opaque toujours au bord de se dĂ©shomogĂ©nĂ©iser — sera bien tout ce qu’on veut, sauf pur 36 ». Miraculeux, certes, mais toujours prĂšs de tourner, de cailler, de bleuir », de fermenter, de grumeler. C’est une substance sexuelle, puisqu’elle concerne directement la reproduction l’exception mariale ayant fait couler beaucoup d’encre, au Moyen Âge et Ă  la Renaissance, sur le lait des vierges 37 ». Sa blancheur mĂȘme n’est pure » que pour l’apparence si l’on en croit une tradition sĂ©culaire qui fait du lait un rĂ©sidu, une mĂ©tamorphose par coction — c’est-Ă -dire par l’action de la chaleur sur les matiĂšre organiques, sorte de lente digestion ou Ă©bullition — du sang menstruel. Le lait, Ă©crivait Aristote, possĂšde la mĂȘme nature que la sĂ©crĂ©tion d’oĂč naĂźt chaque animal » ; non seulement la nature du lait est la mĂȘme que celle des menstrues », mais encore le lait peut ĂȘtre dĂ©fini, strictement, comme du sang qui [par l’action du sperme] a subi une coction parfaite », ce qui, aux yeux des anciens physiologistes, Ă©tait prouvĂ© par le simple fait que durant l’allaitement les rĂšgles n’ont pas lieu 38 ». Lorsque, vers 1473, LĂ©onard de Vinci composera son cĂ©lĂšbre dessin en coupe du coĂŻt humain, on pourra voir un petit vaisseau partir de l’utĂ©rus et remonter directement vers le sein de la femme 39. Substance sexuelle, le lait contient dans sa formation mĂȘme et le sang fĂ©minin et le sperme masculin qui, justement, lui donne forme en dĂ©clenchant tout le processus d’embryogenĂšse. Non seulement l’allaitement masculin est un fantasme rĂ©current dans nombre de rites et de croyances en Europe comme au Moyen Orient 40, mais encore la mainmise du masculin sur le prodige des substances fĂ©minines va jusqu’à permettre des dictons de ce genre Le lait vient de l’homme », en sorte que, dans de nombreuses sociĂ©tĂ©s, c’est le mari qui gĂšre Ă  sa guise l’allaitement des enfants 41. Dans la cosmologie de l’Inde ancienne, le lait n’est pas autre chose que le sperme d’Agni », si bien que tout laitage recueille les prestiges de ce qui a Ă©tĂ© cuit dans les bonnes rĂšgles de la cuisine sacrificielle 42. Substance sexuelle cela veut dire, d’abord, substance symboliquement structurante. Le lait produit du langage, de l’échange, du social. Il y a des pactes de lait », des alliances par collactation 43 ». En Inde, en Asie centrale, en Afrique, l’institution de la parentĂ© de lait induit des comportements spĂ©cifiques — des interdits matrimoniaux, en particulier — oĂč les ethnologues voient une façon, pour le lien social, de consolider son unitĂ© 44. À l’époque oĂč les icĂŽnes mariales envahissent, depuis Byzance, tout l’Occident chrĂ©tien, Thomas d’Aquin compose Ă  l’usage des novices — et pour fonder l’unitĂ© familiale » de l’ordre dominicain — sa Summa theologica qu’il compare, d’entrĂ©e de jeu, Ă  un lait nourricier en prenant appui sur l’expression paulinienne Comme Ă  des petits enfants dans le Christ, c’est du lait que je vous ai donnĂ© Ă  boire 45 ». Plus tard, Ă  l’époque oĂč Filippo Lippi et Sandro Botticelli inventent une façon de rendre toute figure onctueuse en la drapant dans le lait subtil du glacis pictural, la gestion de l’allaitement par nourrice et la parentĂ© de lait » conditionneront certains aspects importants de la vie sociale florentine 46. Mais toute substance sexuelle est aussi, imaginairement, dĂ©structurante elle accepte de se dissiper en figures qui Ă©pousent la loi de l’inconscient, son insensibilitĂ© Ă  la contradiction, sa capacitĂ© de dĂ©placement, de symptĂŽme, d’anachronisme, de dissemblance 47. Alors, le lait devient invasif, il contamine, atteint, modifie les reprĂ©sentations de la rĂ©alitĂ©. Pline l’Ancien croit, par exemple, que le lait s’écoule par toute la mamelle et mĂȘme par le creux de l’aisselle 48 ». Il rapporte l’opinion selon laquelle le lait passe pour communiquer une part de sa blancheur Ă  la peau des femmes ; aussi PoppĂ©e, femme de Domitius NĂ©ron, emmenait partout Ă  sa suite cinq cents Ăąnesses laitiĂšres et se plongeait tout entiĂšre dans un bain de lait, croyant qu’il assouplissait aussi la peau 49 ». Ambroise ParĂ© continuera, au XVIe siĂšcle, de soutenir que du lait sort de la matrice des jeunes accouchĂ©es 50. Il faut, de toute substance sexuelle — donc imaginairement surinvestie — s’attendre Ă  tout. Les images sont lĂ  pour donner forme aux attentes et aux peurs les plus contradictoires. On hypostasiera, d’un cĂŽtĂ©, les qualitĂ©s nourriciĂšres du lait en qualitĂ©s curatives le lait animal — et surtout, bien sĂ»r, le lait de femme — fut rĂ©putĂ©, autrefois, pour soigner presque tout, la mĂ©lancolie, l’épilepsie, l’empoisonnement, les maux de tĂȘte, les abcĂšs ; il Ă©tait censĂ© effacer les ecchymoses », rĂ©guler la dĂ©pravation de l’estomac » ; il est encore excellent, ajoutait Pline, de faire couler du lait sur les yeux injectĂ©s de sang », le rĂ©sultat Ă©tant plus efficace [avec le lait] d’une femme qui a accouchĂ© d’un garçon 51 ». Vitam sugendo protraxi — en tĂ©tant j’ai prolongĂ© ma vie » — est un adage qui se lit au frontispice du traitĂ© de Giovanni Michele Gallo, Dissertazione del vero, e sicuro metodo dell’uso del latte, publiĂ© en 1753 Ă  Florence 52. D’oĂč le catalogue Ă©puisant des rituels consacrant le lait bĂ©nĂ©fique. Dans la fĂȘte d’Isis dĂ©crite par ApulĂ©e, l’un des prĂȘtres portait un petit vase d’or arrondi en forme de mamelle, avec lequel il faisait des libations de lait 53 ». Dionysos Ă©tait, en GrĂšce, crĂ©ditĂ© du pouvoir de crĂ©er des liquides — lait, eau, vin, miel — Ă  partir d’une simple branche thyrsos ou en frappant la terre avec ses doigts 54. On verse du lait sur les os des morts ou sur les corps malades 55. On tire des prĂ©sages du lait qui bout, selon sa façon de dĂ©border 56. Dans l’Orient prĂ©biblique, on parle de tĂ©ter le ciel » et on invente des allaitements rituels 57. Dans l’Inde ancienne, les rites du lait sont aussi mĂ©ticuleux que cosmologiquement fondĂ©s 58. En Asie centrale comme, plus tard, en Turquie musulmane, on protĂšge les demeures avec des effigies de mamelles, on consacre les animaux blancs — c’est-Ă -dire sacrĂ©s — avec du lait, on offre du lait aux quatre points cardinaux, on appelle le paradis Lac de lait et la premiĂšre femme MĂšre-lac-de-lait 59. En Orient byzantin comme en Occident latin abondent les cultes de Maria lactans ou de la Vierge de lait, de saint Mamant — appelĂ© Mama Ă  Constantinople, Chypre et en GrĂšce — les grottes d’ eaux saturĂ©es » oĂč le calcaire des stalagmites est sucĂ© comme un sein miraculeux 60. Mais, comme tout pharmakon — celui-ci Ă©tant, de plus, concoctĂ© dans les profondeurs mystĂ©rieuses de l’organisme fĂ©minin — le lait peut subitement tourner, c’est-Ă -dire virer au pire. Alors le remĂšde devient poison, et le regard maternel, celui qu’admirait tant Michelet devant le tableau d’Andrea Solario, devient mauvais Ɠil. Une nourrice donne le sein Ă  votre fils ? MĂ©fiez-vous car, si elle tombe enceinte, son lait se coagulant comme une sorte de fromage », elle risque d’empoisonner l’enfant 61. Tout ce que le lait nous donne, il peut nous le reprendre. Tout ce qui fait de lui une substance sacrĂ©e sacer peut devenir maudit, sĂ©parĂ©, intouchable sacer, encore 62. Le lait est, dans la Bible, un festin Ă©rotique que cĂ©lĂšbre le Cantique des cantiques ; mais ce festin va de pair avec la prohibition alimentaire de cette horreur insupportable qui consisterait Ă  cuire un enfant — je veux dire un agneau ou un chevreau — dans le lait de sa mĂšre 63. Notre rapport au lait sera donc hĂ©rissĂ© de tabous. Ici, on interdira aux femmes ayant leurs rĂšgles de toucher le lait ; lĂ , il faudra protĂ©ger le lait maternel des agissement de sorciĂšres, car c’est par lui qu’elles commencent souvent de nous porter le mal, Ă  travers ce qu’on nomme si souvent, dans les procĂšs de sorcellerie, le maleficium lactis ; on finira par penser, au XVIIIe siĂšcle, que la diĂšte blanche plonge l’amateur excessif de lait dans une mĂ©lancolie trĂšs sombre, trĂšs noire 64 ». On se mĂ©fiera particuliĂšrement, au Moyen Âge et Ă  la Renaissance, du lait sozzo, c’est-Ă -dire grossier et quelque peu vĂ©nĂ©neux » dont les nourrices enceintes menacent, comme je l’ai dit, les enfants en bas Ăąge 65. LĂ©onard de Vinci Ă©crira un jour cette terrible prophĂ©tie Le lait sera retitĂ© aux petits enfants » il latte sia tolto ai piccoli figlioli, prĂ©cisant ironiquement que cela arrive dĂ©jĂ  tous les jours puisqu’on retire aux chevreaux leur lait nourricier pour en faire ce fromage dont, cruellement, sans y penser, nous nous dĂ©lectons 66. Freud met cette capacitĂ© d’inversion — du pur Ă  l’impur ou du bienfaisant au malfaisant — en rapport direct avec un processus de formation de symptĂŽme », la Symptombildung Ce qui a Ă©tĂ© autrefois pour l’individu une satisfaction ne peut justement aujourd’hui que susciter sa rĂ©sistance ou sa rĂ©pulsion. [
] Le mĂȘme enfant qui a tĂ©tĂ© avec aviditĂ© le lait du sein de sa mĂšre a coutume de manifester, quelques annĂ©es plus tard, Ă  l’encontre de la consommation de lait une forte aversion [qui] s’accroĂźt jusqu’à la rĂ©pulsion, si le lait ou la boisson qui en contient est recouvert d’une petite peau » Ă©voquant le sein lui-mĂȘme 67. Lait, sang et sperme ne font pas seulement systĂšme dans la physiologie traditionnelle et dans les fantasmes dont elle se soutient ils dĂ©terminent, par leurs relations, tout un champ de la souillure dont Mary Douglas a prĂ©cisĂ©, de plus, qu’il supposait une image du corps conçu comme vase » ou bol » des mĂ©langes et des altĂ©rations funestes 68. Comment oublier, enfin, que le roman de l’inquiĂ©tude sexuelle par excellence, l’Histoire de l’Ɠil de Georges Bataille, commence par une assiette de lait destinĂ©e Ă  recevoir la chair fĂ©minine rose et noire », et se termine sur un rĂ©cit d’obscĂ©nitĂ©, de noyade et de mĂšre morte 69 ? La gestuelle de Sarkis est Ă  l’image du matĂ©riau qu’elle investit douce, mais ambivalente. Respectueuse et mĂ©morative, au bord d’un rituel sans cesse rĂ©inventĂ© c’est le cĂŽtĂ© AndrĂ©i Roublev. Mais, aussi, subtilement violente et profanatrice, sans cesse attentatoire c’est le cĂŽtĂ© iconoclaste. Venu d’ailleurs, je porte ma culture sur mon dos », affirme Sarkis 70. Façon de dĂ©signer une mĂ©moire, de dire que toute pensĂ©e porte son arriĂšre-pensĂ©e dans le passĂ©, toute forme son arriĂšre-fond dans l’histoire. Mais façon, aussi, d’affirmer qu’on marche dans l’autre sens, et que c’est sur son dos, non devant soi ce qui serait marcher dans l’élĂ©ment de la nostalgie, que l’on doit mettre sa mĂ©moire en jeu. La dĂ©licatesse mĂ©morative, l’attention intense portĂ©e Ă  chaque geste, le cĂŽtĂ© presque liturgique des mises en scĂšne de Sarkis, tout cela me semble l’écho d’une question rĂ©cemment formulĂ©e par Janine Altounian lorsqu’elle se demande de quoi tĂ©moignent les mains des survivants » mains des dĂ©funtes mĂšres et gestes de l’artisanat, mains Ă  l’ouvrage et gestes de piĂ©tĂ© filiale comme dans le rĂ©cit bouleversant, que rapporte Janine Altounian, oĂč toute la dignitĂ© du jeune ArmĂ©nien pendant le gĂ©nocide de 1915 se concentre un moment sur un petit flacon d’huile de rose » qui permettra, au moins, d’acheter Ă  un soldat le droit d’ensevelir le pĂšre 71. L’atelier de l’artiste recueille sans doute les vestiges de toute une mĂ©moire familiale et culturelle. Mais, en mĂȘme temps qu’il les recueille, il les dĂ©place, et radicalement. Il les tourne et les retourne, sens dessus dessous, ou bien se les met dans le dos. Sarkis demeure un immigrĂ© par excellence. Cela veut dire, en premier lieu, qu’il invente Ă  partir d’une perte que Michel de Certeau analysa fort bien en disant qu’elle concerne d’abord la nĂ©cessitĂ© de poursuivre une histoire hors du territoire, du langage et du systĂšme d’échanges qui la soutenaient jusque-lĂ . Les pratiques [
] se dĂ©veloppent Ă  partir de cette perte. C’est en fonction de cette distance que se forme une reprĂ©sentation de tout ce qui vient Ă  manquer la tradition se mue en rĂ©gions imaginaires de la mĂ©moire ; les postulats implicites du vĂ©cu apparaissent avec une luciditĂ© Ă©trange qui rejoint souvent, par bien des traits, la perspicacitĂ© Ă©trangĂšre de l’ethnologue. Les lieux perdus se transforment en espaces de fiction offerts au deuil et au recueillement d’un passĂ© 72 ». Mais, phĂ©nomĂšne plus notable parce que plus dĂ©terminant, l’adaptation Ă  un autre site social provoque aussi la mise en morceaux des rĂ©fĂ©rences anciennes et, parmi les dĂ©bris qui en restent attachĂ©s aux voyageurs, certains se mettent Ă  jouer un rĂŽle intense et muet. Ce sont des fragments de rites, de protocoles de politesse, de pratiques vestimentaires ou culinaires, de conduites de don ou d’honneur. Ce sont des odeurs, des citations de couleurs, des Ă©clats de sons, des tonalitĂ©s
 Ces reliques d’un corps social perdu, dĂ©tachĂ©es de l’ensemble dont elles faisaient partie, acquiĂšrent de ce fait une force plus grande mais sans ĂȘtre intĂ©grĂ©es Ă  un tout, comme isolĂ©es, inertes, plantĂ©es dans un autre corps, Ă  la maniĂšre des “petits bouts de vĂ©ritĂ©â€ que Freud repĂ©rait prĂ©cisĂ©ment dans les “dĂ©placements” d’une tradition. Elles n’ont plus de langage qui les symbolise ou les rĂ©unisse. Elles ne forment plus une histoire individuelle qui naĂźtrait de la dissolution d’une mĂ©moire collective. Elles sont lĂ  comme endormies. Leur sommeil pourtant n’est qu’apparent. Si on y touche, d’imprĂ©visibles violences se produisent. [
] Ce sont des “signifiants”, mais on ne sait plus de quoi. [
] Par eux se garde, tĂȘtue, morcelĂ©e, muette, Ă©chappant aux mainmises, une altĂ©ritĂ© ethnique. [
] Avec ces reliques apparemment triviales, il y a moins de jeu 73
 » Sarkis ne fait mentir que cette toute derniĂšre phrase. Car, prĂ©cisĂ©ment, il crĂ©e du jeu Ă  partir de ces reliques », un jeu de formes et de significations capables de dĂ©saliĂ©ner l’artiste d’un passĂ© qu’il n’oublie ni ne regrette. À quoi donc joue Sarkis ? Peut-ĂȘtre Ă  dĂ©placer pour la beautĂ© du geste des choses que l’histoire — la dure, la politique, la massacreuse — a voulu dĂ©placer pour la souffrance des ĂȘtres. Le jour oĂč il m’offre son catalogue intitulĂ© La Fin des siĂšcles, le dĂ©but des siĂšcles, Sarkis pose le doigt, comme il aime faire, sur un bout de texte en me disant que s’il y a une chose Ă  bien retenir de cette ancienne exposition, c’est bien celle-lĂ . Il s’agit d’une citation d’Adorno, et elle dit Aucun artiste n’est capable par-lui-mĂȘme d’abolir la contradiction entre l’art dĂ©chaĂźnĂ© et la sociĂ©tĂ© enchaĂźnĂ©e ; tout ce qu’il peut faire, c’est contredire la sociĂ©tĂ© enchaĂźnĂ©e par l’art dĂ©chaĂźnĂ©, et lĂ  encore il faut presque qu’il dĂ©sespĂšre 74 ». Mais Sarkis transforme ce dĂ©sespoir en malice, un peu comme un enfant qui dĂ©placerait toutes les paires de chaussures d’un jury d’adultes qui, de toutes façon, l’auraient condamnĂ©. Il nous montre un ici en nous donnant Ă  entendre un lĂ -bas par exemple lorsqu’il enregistre, pour ses films d’atelier, l’ambiance sonore, voire le silence de lieux aussi Ă©loignĂ©s de son bol de lait que le Taj Mahal ou Sainte-Sophie de Constantinople ; par exemple lorsqu’il spĂ©cule sur le dĂ©calage entre la lumiĂšre de l’éclair et le bruit du tonnerre 75. Bref, Sarkis dĂ©tourne les contradictions et les pervertit ce qui ne veut pas dire, dans son cas, qu’il les rende perverses. Il dramatise les contradictions et les intervalles, mais en les rendant suaves. Telle est sa malice crĂ©er de l’altĂ©ritĂ©, inventer un montage, produire une diffĂ©rence, mais avec tact et dĂ©licatesse, c’est-Ă -dire avec ce sens si particulier du passage oĂč, indistinctement, nous dĂ©couvrons que nous avons franchi un seuil Tout Ă  coup, tu te demandes oĂč suis-je ? Tu n’as pas su Ă  quel moment s’est effectuĂ© le passage. Dans Stalker de Tarkovski, ce n’est pas le passage du noir et blanc Ă  la couleur qui est la zone, c’est qu’à un moment donnĂ© on est dans la zone sans le savoir. Dans Shock Corridor de Samuel Fuller, c’est le passage de l’état normal Ă  la folie. Le spectateur sent que le personnage est en train de glisser, et tu glisses toi-mĂȘme. Tu ne sais plus s’il s’agit de la rĂ©alitĂ© ou de l’image mentale du personnage. Ces passages sont des prises de conscience. J’aime beaucoup Stromboli de Rossellini, Ă  cet Ă©gard. Quelle est l’expĂ©rience sensible grĂące Ă  laquelle une prise de conscience a lieu 76 ? » VoilĂ  pourquoi Sarkis, homme dĂ©placĂ© par la force des choses, sait si bien dĂ©placer les choses sans, apparemment, forcer quoi que ce soit. VoilĂ  pourquoi nous passons si aisĂ©ment, dans son Ɠuvre, de l’icĂŽne byzantine au fĂ©tiche africain, du fĂ©tiche aux cantates de Bach, des cantates aux tapis d’Orient, de l’Orient Ă  Webern, de Webern aux tutus de tulle, des tutus Ă  Beuys et de Beuys Ă  GrĂŒnewald. Ou bien de la bande-son Ă  l’aquarelle, de l’aquarelle au mĂ©tal, du mĂ©tal au feu, du feu au tube de nĂ©on, du tube de nĂ©on Ă  l’empreinte de doigts, du doigt au vitrail, du vitrail au moniteur vidĂ©o, e cosĂŹ via. Dans presque tous les films de la sĂ©rie au commencement,
 » le personnage principal est, tout simplement, la main de l’artiste. Main en acte, main active doigts qui s’approchent, doigts qui colorent en touchant, doigts qui perforent. Mais il y a tout aussi bien la main passive ou, plus exactement, pathique c’est-Ă -dire la main qui reçoit, la main atteinte. Dans ce cas, le plus souvent, c’est la paume de l’artiste, le creux de sa main, qui seront mis en scĂšne, devenant pour tout dire la scĂšne du film, au sens de son lieu comme au sens de son drame. au commencement, la coulĂ©e » nous montre, par exemple, de la cire blanche qui s’écoule d’une bougie allumĂ©e pour former, dans le creux de la main, une sorte de stigmate qui brĂ»le ou de pansement qui fait tampon. La nuit » nous montre la main saignant — ou noyĂ©e dans — l’encre noire. Dans le signe du peintre », c’est une Ă©criture qui devient signe de sang. Dans la chambre », le stigmate rouge devient flamme. Il verse la couleur » ou la main rouge » explorent encore le mĂȘme genre de processus, tandis que la date » nous montre la main active prolongĂ©e de son pinceau, et qui crĂ©e un stigmate de peinture dans le tracĂ© mĂȘme de ce qu’on nomme, au creux nos mains, les lignes de vie. Il suffit, d’ailleurs, de regarder le creux de sa propre main pour se voir plongĂ© dans cette sorte de vertige notre main se creuse, en effet, de diffĂ©rentes façons. Elle se creuse pour se faire creuset parce que, sans mĂȘme y penser, nous ne cessons avec nos mains de mendier quelque chose. Toujours la main dĂ©sire recevoir ou saisir. Elle s’incurve dans l’eau de la riviĂšre pour se faire bol, y approcher notre bouche, Ă©tancher notre soif. Mais elle se creuse d’une autre façon on s’aperçoit, en fait, qu’elle est dĂ©jĂ  creusĂ©e, c’est-Ă -dire labourĂ©e, minĂ©e, crevassĂ©e par le temps, par tout ce qui dans notre corps ne cesse pas de passer ». Bref, la main ne se creuse que pour recevoir un don-poison quelque chose en plus qui nous enrichira, fĂ»t-ce d’un peu d’eau ou de lait, quelque chose en moins qui nous rendra un peu plus misĂ©rables devant le temps. Quelque chose qui comble et quelque chose qui, au contraire, blesse, ouvre et nous voue Ă  une irrĂ©mĂ©diable altĂ©ration. Nombreuses sont les Ɠuvres de Sarkis, me semble-t-il, Ă  ĂȘtre conçues comme des mains ouvertes, tendues, creusĂ©es ou perforĂ©es. Surfaces oĂč se plantent des couteaux, comme Ankara’dan bugĂŒn’e », exposĂ©e en 1993 Ă  Ankara 77, planchers oĂč sont percĂ©es des ouvertures formant l’image inversĂ©e d’un ciel Ă©toilĂ©, comme dans l’installation de 1997 au musĂ©e de Nantes, intitulĂ©e au commencement, le son de la lumiĂšre Ă  l’arrivĂ©e 78 », etc. On comprend mieux, Ă  prĂ©sent, la complexitĂ© Ă  l’Ɠuvre dans ces polarisations sans fin oĂč s’intriquent le lait et le sang, le creuset et le creusĂ©, la main qui agit et la main qui subit, le rituel et la profanation, le don de nourriture et la blessure stigmatisante. Nous sommes, dĂ©sormais, au-delĂ  de tout Ă©loge, esthĂ©tique ou mĂ©taphysique, selon lequel la main fait l’esprit » autant que l’esprit fait la main, [
] le geste qui crĂ©e exerç[ant] une action continue sur la vie intĂ©rieure 79 ». Cela est vrai, sans doute. Mais nous assistons, de plus, Ă  l’emprise d’un phĂ©nomĂšne plus impersonnel et plus dĂ©chirant Ă  la fois, qui ne prĂ©sente les choses leur offre une paume ouverte, un creuset, un cadre, un Ă©crin pour l’admiration que pour mieux les ouvrir leur impose creusements ou stigmates de l’altĂ©ration. Sarkis revendique presque de travailler sous le regard des icĂŽnes 80 ». Mais l’icĂŽne n’est pas une jolie petite chose rouge et brillante que l’on met sur sa table de nuit c’est une image qui dĂ©sire aller au-delĂ  de toutes les autres images, c’est le lieu oĂč s’inversent les perspectives 81, c’est un champ de bataille imaginaire, symbolique et bien rĂ©el, qui a la chair et le verbe pour enjeux, comme le raconte superbement l’AndrĂ©i Roublev de Tarkovski, entre promesses de contemplations sublimes et scĂšnes de destructions sauvages. Tout geste intense dessine le motif de sa contre-effectuation. La main active, on l’a vu le doigt qui vient toucher, s’enfonce, persiste suppose la main pathique la paume qui s’ouvre, la main qui se creuse et qui attend. Or, les gestes de Sarkis, par leur dĂ©licatesse et leur nature mĂ©morative, sont trĂšs souvent des gestes d’onction ce sont des gestes qui, pour parler Ă©tymologiquement, parfument » tout ce qu’ils touchent unctus, en latin, avait dĂ©jĂ  pris, au-delĂ  du baume parfumĂ©, la signification plus familiĂšre du beau, du suave, par opposition Ă  la sĂ©cheresse de siccus. L’onction est un geste tout Ă  la fois pictural et rituel pictural parce qu’il s’agit, en gĂ©nĂ©ral, de passer un liquide colorĂ© sur quelque chose ; rituel parce que cela ressemble Ă  un baptĂȘme, Ă  un consĂ©cration. Lorsque Fra Angelico voulut projeter Ă  distance toute une pluie de pigment blanc sur le mur dĂ©jĂ  rougi du corridor de San Marco, il procĂ©dait Ă  un geste d’onction, du moins Ă  son imitatio technique et gestuelle. Il recrĂ©ait mĂȘme, Ă  sa façon, la paroi — le creuset minĂ©ral — de cette Grotte de la NativitĂ©, Ă  BethlĂ©em, oĂč les pĂšlerins d’alors allaient gratter des taches de chaux qu’ils prenaient pour les reliques du lait de la Vierge, la grotte passant pour avoir Ă©tĂ© directement ointe » par la gĂ©nĂ©reuse poitrine de Maria lactans 82. La Vierge ne s’est donc pas contentĂ©e de nourrir son petit dieu elle a oint de son lait l’humanitĂ© entiĂšre. Son culte considĂ©rable prolonge, comme souvent, des survivances paĂŻennes — celles de la dĂ©esse Isis, en l’occurrence 83 — et ce n’est pas un hasard si sa figure s’est avant tout dĂ©veloppĂ©e dans l’Orient chrĂ©tien, au Liban, en Syrie, pour devenir le grand culte byzantin de la Galaktotrophousa transmis en Occident et se dĂ©veloppant, Ă  partir du XIIIe siĂšcle, sous le nom de Maria lactans 84. Alors, la valeur nourriciĂšre du lait s’hypostasia en valeur salvatrice et rĂ©demptrice, comme si le lait de Marie Ă©tait venu sauver l’humanitĂ© pĂ©cheresse des premiĂšres menstrues d’Ève 85. Denys — le Pseudo-ArĂ©opagite — grand thĂ©ologien mystique, a construit sur cette base l’image fascinante d’une vĂ©ritĂ© de lait l’Écriture sainte, dit-il, fait couler sagesse et vĂ©ritĂ© comme un saint breuvage » versĂ© dans un cratĂšre mystique 86 ». Pour ĂȘtre plus prĂ©cis, il devra souligner que la sagesse, comme la nourriture, est de deux sortes L’une est solide et stable, l’autre liquide et fluide » ; mais les deux se prĂ©parent dans le mĂȘme bol qui, parce qu’il est circulaire et largement ouvert, doit symboliser cette Providence qui ne commence ni ne finit, qui tout ensemble se dĂ©ploie sur toutes choses et les enveloppe toutes 87 ». La nourriture solide, c’est celle de la transcendante identitĂ© [
] ne subissant d’aucune maniĂšre aucune modification, ne sortant jamais de soi ni ne quittant sa propre demeure et son siĂšge immobile, [
] pouvoir intellectif permanent » que seul apprĂ©hende un intellect stable, puissant, unique et indivisible 88 ». La nourriture fluide, quant Ă  elle, symbolise ce flot surabondant qui a soin de s’étendre processivement Ă  tous les ĂȘtres, qui, en outre, Ă  travers les objets variĂ©s, multiples et divisibles, conduit gĂ©nĂ©reusement ceux qu’il nourrit, selon leurs aptitudes propres, jusqu’à la connaissance simple et constante de Dieu. C’est pourquoi les paroles intelligibles de Dieu sont comparĂ©es Ă  la rosĂ©e, Ă  l’eau, au lait, au vin et au miel, parce qu’elles ont, comme l’eau, le pouvoir de faire naĂźtre la vie ; comme le lait, celui de faire croĂźtre les vivants ; comme le vin, celui de les ranimer ; comme le miel, celui tout Ă  la fois de les guĂ©rir et de les conserver 89 ». Le lait de la vĂ©ritĂ© est donc, aux yeux du Pseudo-Denys, celui qui permet le passage, la procession » comme il dit, d’un ordre Ă  l’autre, l’immuable dans le mouvement, l’intelligible dans le sensible, etc. Le lait symbolise alors ce qui rend le mouvement parfait, ce qui fait croĂźtre les corps en vue de leur gloire future. VoilĂ  pourquoi les grands mystiques aiment tant le lait saint Bernard reçoit un jet de lait qui lui vient directement du sein de la Vierge, avant que le Christ en croix ne le rĂ©gale d’un grand jet de sang 90 ; sainte Claire d’Assise s’imagine en train de sucer les mamelles » de saint François, son maĂźtre 91 ; sainte Catherine de Sienne porte sa bouche contre la plaie du Christ en affirmant qu’elle tire le lait de sa chair [en tant qu’]Ăąme qui est parvenue Ă  ce dernier Ă©tat [et] se repose contre le sein de sa divine charitĂ©, serrant entre ses lĂšvres le saint dĂ©sir de la chair du Christ crucifiĂ© 92 ». L’ñme dĂ©vote en gĂ©nĂ©ral se sentira tĂ©ter le sein de dame Caritas 93. Or, dans tous ces exemples, le lait appelle le sang des stigmates pour jouer son rĂŽle anagogique et faire fonctionner une sorte de conversion gĂ©nĂ©ralisĂ©e aller au plus bas pour toucher au plus haut, s’humilier trop humainement pour une future gloire divine, assumer la plaie pour atteindre le ciel, etc 94. Dans presque toutes les crucifixions mĂ©diĂ©vales, la plaie du Christ, sur sa poitrine frappĂ©e par la lance de Longin, laisse Ă©chapper un double jet de blanc et de rouge le rouge reprĂ©sente le sang, bien sĂ»r, et le blanc reprĂ©sente l’eau rĂ©fĂ©rence tropologique au jet d’eau qui, dans l’Ancien Testament, surgit de la pierre frappĂ©e par le bĂąton de MoĂŻse ; mais les peintres, comme les mosaĂŻstes, ont prĂ©fĂ©rĂ© le contraste plus tranchant du rouge et d’un blanc opaque ; il Ă©tait facile, dĂšs lors, de voir du lait sortir du sein christique, et d’en tirer toutes les consĂ©quences possibles, figurales et mystiques 95. Sarkis a dĂ©cidĂ© de placer au commencement, l’apparition » en face d’une Ɠuvre qui, depuis toujours, l’occupe et l’obsĂšde c’est le grand retable d’Issenheim, avec sa Crucifixion hĂ©rissĂ©e de mains souffrantes et suppliantes, sa MaternitĂ© de lait, sa RĂ©surrection de lumiĂšre aveuglante, sa Tentation dĂ©vastatrice. Une rĂ©cente sĂ©rie de films montre Ă©galement les nĂ©gatifs bleutĂ©s du crucifiĂ© de GrĂŒnewald — oĂč sont isolĂ©s le torse, la tĂȘte, les pieds, les deux mains — projetĂ©s sur une feuille de papier grumeleux que la main de l’artiste enduira de lait avant d’y laisser, toujours aussi dĂ©licatement, ses empreintes d’un jaune qui Ă©voque le miel d’une onction pour le moins hĂ©tĂ©rodoxe 96. Ce choix, ce montage, ce face-Ă -face resserrent encore, s’il en Ă©tait besoin, les liens du lait et de la mort. Ils nous rendent visible quelque chose de plus dans l’Ɠuvre de GrĂŒnewald et, rĂ©ciproquement, nous rendent sensibles Ă  une autre temporalitĂ© dans le contexte contemporain oĂč prennent place les travaux de Sarkis. La disproportion des Ɠuvres — Ă©crans vidĂ©o en face d’un Ă©norme meuble feuilletĂ©, formes brĂšves en face d’une summa, comme si l’on Ă©coutait successivement une Passion de Bach et quelques PiĂšces de Webern — Ă©claire chacune d’elles. Car quelque chose leur est commun qui est, prĂ©cisĂ©ment, leur façon de crĂ©er formes, matiĂšres et mouvements comme autant de puissances d’antithĂšse. Cette puissance est rythmique, anadyomĂšne tour Ă  tour systole et diastole, nĂ©gative et positive, plongeante et rĂ©surgente, Ă©voquant le Au commencement comme le Depuis toujours. Elle a Ă©tĂ© formidablement dĂ©crite dans le texte consacrĂ© par Huysmans au retable de Colmar voilĂ  un artiste, dit en effet Huysmans, qui va d’un excĂšs Ă  l’autre [en] un systĂšme d’antithĂšses voulues 97 ». GrĂŒnewald installe ainsi la porte du paradis — l’évĂ©nement rĂ©dempteur par excellence, la promesse de fin des temps — dans une terre saturĂ©e d’oxyde de fer, rouge, [
] dĂ©trempĂ©e par la pluie, pareille Ă  des boues d’abattoir, Ă  des mares de sang 98 ». Ses draperies Ă©voquent des Ă©corces arrachĂ©es d’arbres » ; ses lumiĂšres suintent comme des sĂ©crĂ©tions » ; son Christ est entiĂšrement paradoxal puisqu’il Ă©clate moins de douleur que de rage » et, mĂȘme, a l’air d’un damnĂ© 99 ». Christ gĂ©ant, disproportionnĂ© [dans sa] lamentable horreur, [
] hĂ©rissĂ© tel une cosse de chĂątaigne » ; les boulets des genoux rapprochĂ©s cagnent, et les pieds, rivĂ©s l’un sur l’autre par un clou, ne sont plus qu’un amas confus de muscles sur lequel les chairs qui tournent et les ongles devenus bleus pourrissent ; quant Ă  la tĂȘte, cerclĂ©e d’une couronne gigantesque d’épines, elle s’affaisse sur la poitrine, qui fait sac et bombe, rayĂ©e par le gril des cĂŽtes » ; rien, donc, de plus humainement bas, [de] plus mort 100 ». Or, Huysmans comprend bien que tout cela n’a Ă©tĂ© possible que par une certaine dĂ©cision de GrĂŒnewald quant Ă  la couleur, c’est-Ă -dire une façon matĂ©rielle, continue, concertĂ©e, processuelle — au sens du processus » ou de la procession » dont parlait Denys l’AĂ©ropagite — de dramatiser la couleur. Ici, donc, les couleurs seront clameurs », cris tragiques », outrances », violences d’apothĂ©oses » ou frĂ©nĂ©sies de charniers » ; on les quittera Ă  jamais hallucinĂ©101 ». Ici la couleur tourne 102 », façon de dire qu’elle danse follement, mais aussi qu’elle est capable, comme le lait, de pourrir sur place. GrĂŒnewald aura su crĂ©er, notamment, un implacable rapport — lumineux, Ă©pouvantable — entre l’aurĂ©ole du ressuscitĂ©, cette divinitĂ© s’embrasant » tout en montrant les virgules ensanglantĂ©es des mains », et l’ aurĂ©ole inflammatoire qui se dĂ©veloppe autour des petites plaies 103 » du putrĂ©fiĂ© atteint par le mal des ardents. D’un cĂŽtĂ©, le Christ a la couleur visqueuse d’un poisson qui se gĂąte », d’un autre il prend une teinte inouĂŻe qui nous oblige Ă  nous aventurer dans l’au-delĂ  plus loin qu’aucun thĂ©ologien n’aurait pu [
] lui enjoindre d’aller 104 ». Il faudrait une Ă©tude entiĂšre pour retracer les chemins par lesquels GrĂŒnewald met en relation des choses aussi antithĂ©tiques que l’onction et la profanation. Cela concerne explicitement la Crucifixion et les panneaux infĂ©rieurs de la Lamentation, oĂč Marie-Madeleine, dĂ©figurĂ©e par la souffrance, tient prĂšs d’elle un pot d’onguent destinĂ© Ă  parfumer le cadavre du dieu souillĂ© par ses bourreaux — figure picturale et olfactive de sa future rĂ©surrection en corps glorieux — tandis que l’agneau mystique, juste en face, laisse couler son sang dans un calice dorĂ©. Lait et sang s’évoquent mutuellement dans les draperies blanches et rouges de la Vierge de douleur 105, mais avant elle dans l’Annonciation et, surtout, dans l’allĂ©gorie de la NativitĂ©, avec ses linges et ses draps blancs, sa jarre de porcelaine, sa fiole transparente et le vaste milieu maternel, Ă©carlate, d’oĂč se dĂ©tache la grande pĂąleur de l’enfant. Qu’est-ce, d’autre part, que cette stupĂ©fiante RĂ©surrection, si ce n’est la conversion tortueuse et chantournĂ©e, puissante et angoissĂ©e, d’une draperie qui n’en finit pas linge blanc comme le lait ou comme la mort, puis draperie rouge comme la chair, bleue comme un ciel de nuit mais dĂ©jĂ  jaune et lumineuse comme une lumiĂšre d’empyrĂ©e ? Partout, chez GrĂŒnewald, semble courir l’antithĂšse du blanc blanc comme le lait, blanc comme la vĂ©ritĂ© toute pure, blanc comme l’agneau sacrifiĂ©, blanc comme un parchemin d’Écriture sainte et du sang qui peut ĂȘtre liquide corporel, rose rouge oĂč l’on se pique, incandescence lumineuse oĂč le martyre devient gloire. La maternitĂ© de Colmar ne montre pas de sein, n’allaite pas. Mais tout est lĂ  pour signifier Maria lactans, ne serait-ce que dans la façon dont la tĂȘte de l’enfant est maintenue vers le haut par sa mĂšre. Un dessin de GrĂŒnewald semble une Ă©tude liĂ©e Ă  ce thĂšme c’est une tĂȘte d’enfant qui crie, renversĂ©e en arriĂšre, toute bouche ouverte vers le haut — comme font les oisillons dans leur nid — appelant peut-ĂȘtre, avec douleur, le lait maternel 106. Mais, surtout, l’allĂ©gorie de la NativitĂ©, Ă  Colmar, est le modĂšle explicite, immĂ©diat, de la Madone de la Neige ou Madone de Stuppach 107. Peaux lactescentes privĂ©es de toute ombre, fleurs rouges et blanches, lumiĂšres cĂ©lestes, montagnes enneigĂ©es, prĂ©sence du CrĂ©ateur au-delĂ  des nuages, robe rouge doublĂ©e de blanc, draperies en pĂąles glacis fluides
 tout est remis en place dans un ordre lĂ©gĂšrement diffĂ©rent. Par exemple, le rosaire de corail avec lequel l’enfant joue dans le retable d’Issenheim se retrouve, Ă  Stuppach, au fond d’un magnifique bol de porcelaine blanche — magnifique surtout parce qu’il est, comme dans un film de Sarkis, virtuellement rougi par l’ombre colorĂ©e de l’imposante robe qui fait masse juste devant lui ou par le sang que l’enfant va bientĂŽt verser pour sauver l’entiĂšre humanitĂ©. Et tout cela pour Ă©voquer aussi une surface exactement dĂ©limitĂ©e par la neige dans le miracle de fondation de Sainte-Marie-Majeure, Ă  Rome. Un dessin prĂ©paratoire de la Madone de la Neige la reprĂ©sente tout en blanc et gris ; l’artiste a juste portĂ©, çà et lĂ , dĂ©licatement, Ă  l’aquarelle, des petits signes rouges qui ressemblent presque Ă  des empreintes de doigts 108. Mettre le doigt sur quelque chose de fragile comme du lait, c’est montrer quelque chose de son existence jusqu’alors inaperçue ; mais c’est, en mĂȘme temps, l’altĂ©rer. GrĂŒnewald a, pour ainsi dire, mis le doigt sur les mains de la Passion, afin d’en tĂ©moigner. Mais la dramatisation va de pair avec l’excĂšs, donc avec l’altĂ©ration les mains du Christ, empalĂ©es par d’énormes clous noirs, semblent crier leur souffrance ; les mains de la Vierge et de Marie-Madeleine crient leur souffrance aussi, c’est-Ă -dire leur compassion ; les mains de saint Jean-Baptiste tĂ©moignent en dĂ©signant et en citant — par un magnifique anachronisme — l’Évangile plus tard Ă©crit par l’autre saint Jean. RessuscitĂ©, le Christ exhibera d’abord ses deux mains dans le panneau Ă©tourdissant que lui consacre GrĂŒnewald. Mais on se souvient du paradoxe de saint Thomas il faut, pour voir, pour savoir et pour tĂ©moigner, mettre le doigt dans la plaie, c’est-Ă -dire rouvrir la blessure, rĂ©veiller la douleur, profaner l’intouchable. Le doigt de Sarkis dans au commencement, l’apparition » est aussi un doigt qui blesse, un doigt qui ouvre pour montrer, pour raviver la mĂ©moire. Il m’évoque ces innombrables panneaux du Trecento — des Crucifixions, bien souvent — dont la feuille d’or a Ă©tĂ© abĂźmĂ©e, agressĂ©e, profanĂ©e, en sorte que le bol d’ArmĂ©nie, sous-jacent, apparaĂźt dans toute sa rubescence. Alors les aurĂ©oles des saints deviennent sanglantes, et l’icĂŽne profanĂ©e devient l’icĂŽne par excellence, c’est-Ă -dire l’icĂŽne capable de souffrir, de saigner. Mais Sarkis ne profane qu’à jouer dĂ©licatement, sans jamais cesser de garder en mĂ©moire le rituel qu’il est en train, avec ses doigts trop libres, trop curieux, de dĂ©placer. Giorgio Agamben a utilement rappelĂ© le sens exact de la profanation Alors que consacrer sacrare dĂ©signait la sortie des choses de la sphĂšre du droit humain, profaner signifiait au contraire leur restitution au libre usage des hommes 109 ». La profanation n’abolit donc pas exactement le rite Ce qui a Ă©tĂ© sĂ©parĂ© par le rite peut ĂȘtre restituĂ© par le rite Ă  la sphĂšre profane 110 ». Or, la forme la plus simple de cette restitution n’est autre que la mise en contact en tant qu’elle s’impose pour briser un tabou c’est une contagion profane, un toucher qui dĂ©senchante et restitue Ă  l’usage ce que le sacrĂ© avait sĂ©parĂ© et comme pĂ©trifiĂ© 111 ». La religion n’est pas, comme on le croit, l’acte de lier ensemble religare mais, au contraire, la dĂ©cision de sĂ©parer relegere quelque chose qui, dĂšs lors, deviendra pur, sacrĂ©, intouchable. Mettre le doigt dedans, c’est, alors, un peu comme mettre les pieds dans le plat. C’est profaner. C’est, en ce sens, libĂ©rer la possibilitĂ© d’une forme particuliĂšre de nĂ©gligence qui ignore la sĂ©paration ou, plutĂŽt, qui en fait un usage particulier 112 ». VoilĂ  exactement ce que fait Sarkis avec le lait frais, les icĂŽnes ou l’histoire de l’art en gĂ©nĂ©ral. Contre toute religion de l’Improfanable — que Giorgio Agamben diagnostique, pour sa part, dans le spectacle capitaliste, la consommation, le tourisme, voire la pornographie 113 — l’art de la profanation s’exerce fondamentalement dans le jeu en tant qu’ usage [ou] rĂ©utilisation parfaitement incongru[s] du sacrĂ© 114 ». N’est-ce pas exactement ce que fait l’artiste quand il parvient Ă  retrouver, au-delĂ  ou en deçà de toute sĂ©paration, le contact et le dĂ©placement — toucher pour sĂ©parer ailleurs — d’une forme ou d’un matĂ©riau culturellement investis ? Car profaner ne signifie pas seulement abolir ou effacer les sĂ©parations, mais apprendre Ă  en faire un nouvel usage, Ă  jouer avec elles. [
] C’est pourquoi il faut arracher Ă  chaque fois aux dispositifs Ă  tous les dispositifs la possibilitĂ© d’usage qu’ils ont capturĂ©e 115 ». Ce que Sarkis tente de faire avec la musĂ©ologie mĂȘme — ce dispositif par excellence — oĂč se trouve exhibĂ©, mais aussi capturĂ© », le fĂ©roce retable d’Issenheim. Comme si l’artiste d’aujourd’hui voulait composer un lai Ă  l’artiste d’hier, c’est-Ă -dire un poĂšme laĂŻc, fait de vers profanes » et lyriques, capable de ne pas oublier tout ce que Villon nomma le lais, c’est-Ă -dire le vestige mĂ©moriel, le legs 116 d’une longue durĂ©e des images de la souffrance. Mettre le doigt dans la plaie ? Mettre le doigt dans le lait pour faire refleurir la plaie ? Ce n’est pas autre chose, finalement, qu’un art de la mĂ©moire particuliĂšrement dramatisĂ©. Le signe de sang que fait renaĂźtre le doigt de l’artiste, dans au commencement, l’apparition, » peut ĂȘtre vu comme l’écho ornemental, la transformation intense et ambiguĂ«, de la lettre K visible au tout dĂ©but du film. Ce K n’est autre que l’initiale d’une notion fondamentale dans l’art et le discours de Sarkis, la notion de Kriegsschatz, le trĂ©sor de guerre ». Comme l’a bien montrĂ© Uwe Fleckner — avec lequel l’artiste a publiĂ© un recueil prĂ©cisĂ©ment consacrĂ© aux trĂ©sors de la mĂ©moire 117 — l’Ɠuvre de Sarkis s’ordonne tout entiĂšre Ă  partir d’une certaine conception de l’atelier organisĂ© comme rĂ©seau ou matrice de loci memoriae 118. Or, ces lieux n’ont rien de paisible, puisque cette mĂ©moire n’a rien d’apaisant. La question de l’archive chez Sarkis — comme celle de l’image en gĂ©nĂ©ral — ne va jamais sans le savoir du dĂ©sastre dont elle est issue, du risque qu’elle continue d’encourir, c’est-Ă -dire de la menace qu’elle brĂ»le 119. La premiĂšre oeuvre reproduite par Sarkis dans son catalogue rĂ©trospectif de 1995 date de 1966 et s’intitule aprĂšs Hiroshima 120 ».Si l’artiste, dans son vocabulaire personnel, joue constamment entre le K et le L, c’est-Ă -dire entre le Kriegsschatz et le Leidschatz — le trĂ©sor de guerre » et le trĂ©sor de souffrance » — c’est que tout art de la mĂ©moire, aujourd’hui plus que jamais, ne fait que s’affronter aux motifs de la destruction, de la guerre, du gĂ©nocide. Uwe Fleckner a fort bien rappelĂ© que la thĂ©orie de la mĂ©moire culturelle Ă©laborĂ©e par Aby Warburg n’allait pas sans la cruautĂ© ou l’infinie lourdeur de ce prĂ©supposĂ© d’oĂč l’art tire peut-ĂȘtre son existence mĂȘme Le trĂ©sor de souffrance de l’humanitĂ© devient un bien humain 121 » der Leidschatz der Menschheit wird humaner Besitz. La consĂ©quence, je crois, n’est pas exactement ce qu’en dit Fleckner, Ă  savoir que le souvenir ne devient seulement durable que dans l’Ɠuvre d’art 122 ». Car un souvenir durable ne se construit que sur les signes reconnaissables et pour ainsi dire figĂ©s d’une tradition, tandis qu’une Ɠuvre comme celle de Sarkis joue, plus volontiers, sur des apparitions et des disparitions, façon de rendre Ă  la mĂ©moire inconsciente son flux, son inconstance, son hĂ©tĂ©rogĂ©nĂ©itĂ©, son rythme anadyomĂšne de survivances et de symptĂŽmes. L’oeuvre dure, sans doute. Elle est mĂȘme le rĂ©sultat d’une construction pierre Ă  pierre. Mais elle ne dure que sur le fond d’une souffrance qu’elle cache et qui, de loin en loin, se ravive soudain, comme la plaie rouverte par un doigt inquiet. L’Ɠuvre serait alors comme ce pont dont les folklores balkaniques — en GrĂšce comme en Albanie, en Yougoslavie comme en Bulgarie ou en Roumanie — ont tirĂ© un motif que Marguerite Yourcenar a magnifiquement condensĂ© dans son rĂ©cit intitulĂ© Le Lait de la mort 123. C’est l’histoire d’un pont — d’une tour ou d’un chĂąteau — qui ne cesse de s’écrouler jusqu’à ce que l’on comprenne le sacrifice qu’il demande il faut y emmurer une femme, ce qu’on ne tarde pas Ă  faire. Mais, comme elle allaite encore son enfant, on laisse son sein Ă  l’air libre, son sein qui continuera miraculeusement, par-delĂ  la mort, de donner du lait. C’est sur ce motif, par exemple, que Paradjanov — qu’admire tant Sarkis — a construit son film La LĂ©gende de la forteresse de Suram, oĂč l’on retrouve le blanc du lait renversĂ©, des offrandes de riz, des tas de laine Ă©crue, des colombes jetĂ©es au passage de cercueils, et le rouge des grenades ouvertes ou du sang de l’épousĂ©e
 C’est sur ce motif aussi que l’on pourrait, pourquoi pas, construire une nouvelle parabole sur les puissances de l’art l’art ne serait-il pas ce qui nous fait rĂȘver que le lait de nos mĂšres mortes continue — bien que la plaie reste vive — de nous dĂ©saltĂ©rer ? © Georges Didi-Huberman, 2005 1 — Sarkis, au commencement l’apparition », 2005. Film vidĂ© 3 min 26 rĂ©alisĂ© dans l’atelie de l’artiste Ă  Villejuif 2 — Guo Ruoxu, Notes sur ce qu j’ai vu et entendu en peintur XIe siĂšcle, trad. Y. Escande Bruxelles, La Lettre volĂ©e 1994, p. 188 3 — Il s’agit d’une sĂ©ri de vingt-cinq films rĂ©alisĂ© par Sarkis au Studio national de Arts contemporains Le Fresnoy et dans l’atelier de Calder Ă  Sach en 1997-1998. Ces films porten tous le titre au commencement,
 suivi des variations suivantes l’entrĂ©e, la tĂȘte, le trĂ©sor, il brĂ»le la main rouge, le cri, la photographi obscure, la coulĂ©e, l’aura, le roug et le vert, d’aprĂšs et aprĂšs, immense la chambre, les empreintes, la nuit le pain qui nage, les couleurs dan l’eau, il verse la couleur, la boĂźt d’aquarelles, le jaune et le bleu l’image colorĂ©e, le jaune, le sign du peintre, la date, le tambour » Cf. Sarkis. Bordeaux, CAPC-MusĂ©e d’Ar contemporain, 2000, oĂč on pourr lire, sur ces films, le texte d’É. Bullot Kiosque pour Sarkis », ibid. p. 39-47. Cf. Ă©galement id. PhotogĂ©nie de l’aquarelle », Trafic n° 31, 1999, p. 35-39 4 — LĂ©onard de Vinci TraitĂ© de la peinture trad. A. Chastel, Paris Berger-Levrault, 1987, p. 181 5 — Sur ces distinctions cf. G. Didi-Huberman La Ressemblance par contact ArchĂ©ologie, anachronisme e modernitĂ© de l’empreinte, Paris Minuit, 2006 réédition de l’essa paru dans L’Empreinte, Paris Centre Georges Pompidou 1997, p. 15-192 6 — Dionysos de Furna Ermeneutica della pittura trad. G. Donato Grasso, Naples Fiorentino, 1971, p. 3-10 C. Cennini, Le Livre de l’art trad. C. DĂ©roche, Paris Berger-Levrault, 1991, p. 29-35 7 — LĂ©onard de Vinci TraitĂ© de la peinture, op. cit. p. 116-120 8 — Pline l’Ancien Histoire naturelle, XXXV trad. Croisille, Paris Les Belles Lettres, 1985, p. 58 9 — ThĂ©ophile, Essai sur divers arts trad. BourassĂ©, Paris Picard, 1980, p. 32 10 — Cf. A. BĂ©guin, Dictionnair technique de la peinture, IV, Paris AndrĂ© BĂ©guin, 1981 p. 690-693. G. Loumyer Les Traditions technique de la peinture mĂ©diĂ©vale, Bruxelles Van Oest, 1920 rééd. Nogent-le-Roi Laget, 1996, p. 163-166 M. P. Merrifield, Medieva and Renaissance Treatise on the Art of Painting Original Texts with Englis Translations 1849, New York Dover Publications, 1967 p. CXXXIX et 618 11 — Cadet-de-Vaux MĂ©moire sur la peinture au lait Paris, Veuve Panckoucke, 1800 passim, qui distingue peintur au lait dĂ©trempe », peinture au lai rĂ©sineuse » et badigeon » 12 — A. BĂ©guin, Dictionnair technique de la peinture, I Paris, AndrĂ© BĂ©guin, 1978 p. 190 13 — C. Cennini, Le Livre de l’art op. cit., p. 71, 165 214 et 267 14 — ibid., passim. Le bol d’ArmĂ©ni est Ă©voquĂ© dans dix-sept chapitre du traitĂ©, surtout les chapitres CXXX et CXXXII, p. 230-233 Cf. D. V. Thompson The Materials and Technique of Medieval Painting 1936 New York, Dover Publications 1956, p. 219-220 15 — A. BĂ©guin, Dictionnair technique de la peinture, I op. cit., p. 190 16 — Pline l’Ancien, Histoir naturelle, XXXV, op. cit., p. 57 17 — ibid., p. 51 18 — Jehan le BĂšgue Tabula de vocabulis sinonimi et equivocis colorum Ă©d. et trad. M. P. Merrifield Medieval and Renaissanc Treatises, op. cit., p. 20-21 19 — Cf. R. Ciasca L’arte dei medici e speziali nell storia e nel commercio Fiorentin dal secolo XII a XV, Florence Olschki, 1927 Ă©d. 1977 20 — Je pense Ă  la question posĂ© publiquement par Sarkis au Salo de Mai en 1969 Connaissez-vou Joseph Beuys ? », ou Ă  sa participatio Ă  la cĂ©lĂšbre exposition dirigĂ© par Harald Szeemann When Attitudes Become Form Berne, Kunsthalle, 1968 Sur Beuys et la relatio art-mĂ©decine, cf. T. Davil et M. FrĂ©churet dir. L’Art mĂ©decine, Antibes-Paris MusĂ©e Picasso-RMN, 1999 p. 171-186 21 — Cf. J. Derrida La pharmacie de Platon » 1968 La DissĂ©mination, Paris, Le Seuil 1972, p. 69-197 22 — P. ValĂ©ry, Prose 1892-1893 citĂ© et commentĂ© par J. Jallat Entre lait et cendres le poĂšme », Bulletin des Ă©tude valĂ©ryennes, XXIII, 1996 n° 72-73, p. 169-172 23 — CitĂ© par É. Bullot Kiosque pour Sarkis » art. cit., p. 44-45 24 — ArtĂ©midore, Onirocriticon La clef des songes trad. A. J. FestugiĂšre, Paris Vrin, 1975, p. 251. De mĂȘme Quelqu’un rĂȘve-t-il qu’il est dan les langes, comme les enfants et qu’il tĂšte le lait de quelqu femme [
], il sera atteint d’un longue maladie. [
] Quant Ă  rĂȘve qu’on a du lait dans ses seins [
] cela signifie prospĂ©ritĂ© » ibid., p. 34 25 — G. Bachelard, L’Ea et les rĂȘves. Essai sur l’imaginatio de la matiĂšre, Paris, JosĂ© Corti 1942 Ă©d. 1997, p. 158 26 — ibid., p. 158 et 170 27 — ibid., p. 164 28 — ibid., p. 157 et 161 29 — ibid., p. 160-161 30 — ibid., p. 158-161 31 — J. Michelet, La Mer 1861 Paris, Gallimard, 1983 p. 114-117 32 — Id., La Femme 1859 Paris, Flammarion, 1981, p. 95 33 — ibid., p. 97 34 — Évangile selon saint Jean, XX 24-29 35 — Cf. G. Didi-Huberman Une ravissante blancheur 1986, Phasmes Essais sur l’apparition, Paris Minuit, 1998, p. 76-98 36 — Le lait est, en gĂ©nĂ©ral, dan tous les animaux, un liquide opaqu blanc, doux, plus ou moins sucrĂ© un peu plus pesant que l’eau Il est toujours composĂ© d’une matiĂšr caseuse, d’une matiĂšre butireuse, d’ea et de sucre de lait. Ces substances [
 contiennent en dissolution diffĂ©rent sels, des phosphates terreux et de hydrochlorates de potass et de chaux » Gardien, Lait », Dictionnair des sciences mĂ©dicales, XXVII Paris, Panckoucke, 1818, p. 127 37 — Cf. notamment A. ParĂ© oeuvres complĂštes Ă©d. Malgaign 1840-1841, GenĂšve Slatkine Reprints, 1970, II p. 771 et III, p. 667 38 — Aristote, De la gĂ©nĂ©ratio des animaux, II, 4, 739 et IV, 8, 777a, trad. P. Louis Paris, Les Belles Lettres 1961, p. 69 et 172 39 — Cf. C. D. O’Malle et J. B. de C. M. Saunders Leonardo da Vinc on the Human Body The Anatomical, Physiological an Embryological Drawings, New York Henry Schuman, 195 rééd. New York, Dover Publications 1983, p. 460-461 40 — Cf. R. Zapperi, L’Homm enceint. L’homme, la femm et le pouvoir 1979 trad. Maire Vigueur, Paris PUF, 1983. R. Lionetti Le Lait du pĂšre 1984 trad. Castelain, Paris Éditions Imago, 1988 41 — Cf. C. Fortier, Le lait le sperme, le dos. Et le sang ReprĂ©sentations physiologiques d la filiation et de la parentĂ© de lai en Islam malĂ©kite et dans la sociĂ©t maure » Cahiers d’études africaines, XLI 2001, n° 1, p. 97-138 42 — C. Malamoud Cuire le monde. Rite et pensĂ© dans l’Inde ancienne, Paris La DĂ©couverte, 1989, p. 52 43 — Cf. G. Marcy, L’allianc par collactation tad’a che les BerbĂšres du Maroc central » Revue africaine, LXXIX, 1936, n° 2 p. 957-973. P. Bonte Le sein, l’alliance, l’inceste » Autrement. SĂ©rie mutations mangeurs, n° 143, 1994, p. 143-156 44 — Cf. S. Altorki Milk-Kinship in Arab Society an Unexplored Problem in th Ethnography of Marriage » Ethnology, XIX, 1980, n° 2 p. 233-244 J. Khatib-Chahidi, Milk-Kinshi in Shi’ite Islamic Iran » The Anthropology of Breast-Feeding Natural Law or Social Construct dir. V. Maher Oxford-Providence, Berg, 1992 p. 109-132 F. HĂ©ritier-AugĂ© IdentitĂ© de substance et parent de lait dans le monde arabe » Épouser au plus proche. Inceste prohibitions et stratĂ©gie matrimoniales autou de la MĂ©diterranĂ©e dir. P. Bonte, Paris, Édition de l’EHESS, 1994, p. 149-164 C. Fortier, Le lait, le sperm et le dos », art. cit., p. 97-138 45 — Thomas d’Aquin Somme thĂ©ologique Ia, prologue, trad. Gardeil Paris, DesclĂ©e, 1968, p. 1 citant I Corinthiens, III, 2 46 — Cf. C. Klapisch-Zuber Parents de sang, parent de lait » 1983, La Maiso et le nom. StratĂ©gies et rituel dans l’Italie de la Renaissance, Paris Éditions de l’EHESS, 1990 p. 263-289 47 — Cf. G. Didier-Huberman Puissances de la figure ExĂ©gĂšse et visualitĂ© dans l’ar chrĂ©tien », Encyclopaedi Universalis. Symposium Paris, Encyclopaedia Universalis 1990, p. 596-609 48 — Pline l’Ancien Histoire naturelle, XI trad. A. Ernout et R. PĂ©pin Paris, Les Belles Lettres 1947, p. 103 49 — ibid., p. 104 50 — A. ParĂ©, oeuvres complĂštes op. cit., II, p. 502 51 — Pline l’Ancien, Histoir naturelle, XXVIII, trad. A. Ernout Paris, Les Belles Lettres 1962, p. 43-50 et 63-67 Cf. Ă©galement A. ParĂ© oeuvres complĂštes, op. cit., II p. 77 et 103 ; III, p. 173 52 — CitĂ© et comment par P. Camporesi, Le vie del latte dalla Padania alla steppa, Milan Garzanti, 1993, p. 1 trad. partielle I. Giordano Le voie lactĂ©e », Autrement SĂ©rie mutations / mangeurs n° 149, 1994, p. 77 53 — ApulĂ©e Les MĂ©tamorphoses, III Livres VII-XI, trad. P. Vallette, Paris Les Belles Lettres, 1945, p. 146-147 Cf. R. B. Onians, Les Origine de la pensĂ©e europĂ©enn sur le corps, l’esprit, l’ñme, le monde le temps et le destin 1951 trad. B. Cassin, A. Debr et M. Narcy, Paris, Le Seuil 1999, p. 326 54 — R. B. Onians Les Origines de la pensĂ© europĂ©enne, op. cit., p. 268 55 — ibid., p. 338-339 J. G. Frazer, Le Rameau d’or, IV Balder le magnifique 1890-1915 trad. P. Sayn 1930, Paris, Rober Laffont, 1984, p. 245 56 — J. G. Frazer Le Rameau d’or, IV, op. cit., p. 204 57 — Cf. M. Meslin Un don biblique », Autrement SĂ©rie mutations/mangeurs, n° 143 1994, p. 101-103 58 — Cf. C. Malamoud Cuire le monde, op. cit., p. 51 Y. Tardan-Masquelier La bonne marche du cosmos » Autrement, op. cit., p. 116-126 59 — Cf. U. Harva Les ReprĂ©sentations religieuse des peuples altaĂŻques 1938 trad. Perret, Paris, Gallimard 1959, p. 57 et 123. Roux Le lait et le sein dans le traditions turques » L’Homme, VII, 1967, n° 2, p. 48-63 Pour le domaine slave cf. J. Kabakova, Le sein et le lai maternel dans l’imaginair des Slaves », La Revue russe, n°8 1995, p. 83-89 60 — Cf. P. Saintyves Les saints protecteur des nourrices et les guĂ©risseur des maladies de seins », Revu des traditions populaires, XXXI 1916, n° 3-4, p. 77-84 C. Corrain, F. Rittatore et P. Zampini Fonti e grotte lattaie nell’Europ occidentale », Etnoiatria, I, 1967 n° 2, p. 31-39 G. Plazio, La cera, il latte, l’uom dei boschi. Mitologia e realt sociale in una comunitĂ  prealpina Turin, Giappichelli, 1979 R. Lionetti, Le Lait du pĂšre op. cit., p. 14-18. P. Camporesi Le vie del latte, op. cit., p. 5-47 61 — Pline l’Ancien, Histoir naturelle, XXVIII, op. cit., p. 63 ThĂšme repris Ă  la Renaissanc par A. ParĂ©, oeuvres complĂštes op. cit., II, p. 686 Cf. Flandrin, L’attitude Ă  l’égar du petit enfant et les conduite sexuelles. Structures ancienne et Ă©volution » 1973 Le Sexe et l’Occident Évolution des attitudes et de comportements, Paris, Le Seuil 1981, p. 151-216. Pour l’Italie cf. A. Rivera, Gravidanza, parto allattamento, malattie infantili pratiche empiriche e protezion simbolica », Le tradizioni popolar in Italia medicine e magie dir. T. Seppilli, Milan, Electa, 1989 p. 63-70. Et, sur un pla anthropologique plus gĂ©nĂ©ral cf. F. HĂ©ritier, Le sperme et le sang De quelques thĂ©ories ancienne sur leur genĂšse et leurs rapports 1985, Masculin/fĂ©minin La pensĂ©e de la diffĂ©rence, Paris Odile Jacob, 1996, p. 133-151. Id. La mauvaise odeur l’a saisi. D l’influence du sperme et du sang su le lait nourricier », ibid., p. 153-164 62 — Cf. G. Bataille, ThĂ©orie de l religion 1948, oeuvres complĂštes VII, Paris, Gallimard, 1976 p. 301-302. Id., La Part maudit 1949, ibid., p. 64-65, parmi bie d’autres textes de Bataille sur cett question 63 — Cf. M. Meslin, Un do biblique », art. cit., p. 103-107 Lavoie, Festin Ă©rotiqu et tendresse cannibalique dan le Cantique des cantiques » Studies in Religion, XXIV, 1995, n° 2 p. 131-146 Pierre, Lait et miel ou la douceur du Verbe » Apocrypha, n° 10, 1999, p. 139-176 64 — Cf. J. G. Frazer Le Rameau d’or, IV, op. cit., p. 52-5 et 245. A. Van Gennep, Le Folklor français, I. CĂ©rĂ©monies familiales du berceau Ă  la tombe 1943, Paris Robert Laffont, 1998 p. 118-119. P. Camporesi Le vie del latte, op. cit., p. 32 65 — Cf. C. Klapisch-Zuber Parents de sang, parents de lait » art. cit., p. 287 66 — LĂ©onard de Vinci, Carnets Ă©d. E. Maccurdy, trad. L. Servicen Paris, Gallimard, 194 Ă©d. 1987, II, p. 492 67 — S. Freud, ConfĂ©rence d’introduction Ă  la psychanalys 1916-1917, trad. F. Cambon, Paris Gallimard, 1999, p. 465 68 — M. Douglas, De la souillure Essai sur les notions de pollutio et de tabou 1967, trad. A. GuĂ©rin Paris, La DĂ©couverte, 1992 p. 29 et 141 [Le corps] contien des fluides vitaux qu’il ne doi pas laisser s’écouler ou se diluer On considĂšre [
] que les femelle sont littĂ©ralement des entrĂ©e par lesquells la puretĂ© du conten peut ĂȘtre altĂ©rĂ© » 69 — G. Bataille Histoire de l’oeil 1928, oeuvre complĂštes, I, Paris, Gallimard, 1970 p. 13-14 et 78 70 — CitĂ© par É. Bullot, PhotogĂ©ni de l’aquarelle », art. cit., p. 39 71 — J. Altounian De quoi tĂ©moignent les main des survivants De l’anĂ©antissement des vivants de l’affirmation de la vie » TĂ©moignage et trauma. Implication psychanalytiques dir. Chiantaretto, Paris, Dunod 2004, p. 27-63 72 — M. de Certeau, Économie ethniques pour une Ă©col de la diversitĂ© », Annales ESC, XLI 1986, p. 808 73 — ibid., p. 808-809 74 — CitĂ© en exergu par C. Gintz, Sur les trace du capitaine Sarkis », Sarkis La Fin des siĂšcles, le dĂ©but de siĂšcles, Paris, ARC-MusĂ©e d’Ar moderne de la Ville de Paris 1984, p. 2 75 — Cf. Sarkis. Bonn-Ostfildern, Kunst- un Austellungshalle de Bundesrepublik Deutschland-Cant Verlag, 1995, p. 187 et 198-199 76 — CitĂ© par É. Bullot Kiosque pour Sarkis » art. cit., p. 42 77 — Cf. Sarkis. 26. 9. 19380 op. cit., p. 179 78 — Cf. C. Allemand-Cosneau Dialogues de lumiĂšre » Sarkis au commencement, le son de l lumiĂšre Ă  l’arrivĂ©e », Nantes, MusĂ© des Beaux-Arts, 1997, p. 40-43 79 — H. Focillon, Éloge de la main 1943, Vie des formes, Paris, PUF 1964, p. 128 80 — Cf. Cousseau Sous le regard des icĂŽnes » Sarkis. Ikones, Paris École nationale supĂ©rieur des Beaux-Arts, 2002, p. 7-15 81 — Cf. P. Florensky La Perspective inversĂ©e 1919 trad. F. Lhoest, Lausanne L’Âge d’Homme, 1992, p. 67-120 82 — Cf. G. Didi-Huberman Fra Angelico — Dissemblanc et figuration, Paris, Flammarion 1990, p. 109-11 Ă©d. 1995, p. 142-143 Cf. Ă©galement H. Leclercq, Lait » Dictionnaire d’archĂ©ologi chrĂ©tienne et de liturgie, VIII-1, Paris Letouzey et AnĂ©, 1928, col. 1065 83 — Cf. L. Langener Isis Lactans — Maria Lactans Untersuchungen zur koptische Ikonographie, Altenberge Oros Verlag, 1996 84 — Cf. A. Cutler The Cult of the Galaktotrophous in Byzantium and Italy », Jahrbuc des österreichischen Byzantinistik XXXVII, 1987, p. 335-350. E Cruikshank Dodd, Christian Ara Sources for the Madonna Allattant in Italy », Arte medievale, N. S., II 2003, n° 2, p. 33-39. G. P. Bonan et S. Baldassarre Bonani Maria lactans, Rome, Marianum, 1995 85 — Cf. F. Ronig, Theologisch Inhalt des Bildes der stillende Muttergottes Maria Lactans Saarburg, Rassier, 1964 B. A. Williamson, The Virgi Lactans as Second Eve Imag of the Salvatrix », Studies i Iconography, XIX, 1998, p. 105-138 Sur le culte marial Ă  Rome cf. surtout l’étude remarquabl de G. Wolf, Salus Populi Romani Die Geschichte römische Kunstbilder im Mittelalter, Weinheim VCH-Acra Humaniora, 1990 86 — Pseudo-Denys l’ArĂ©opagite Lettre IX », trad. M. de Gandillac oeuvres complĂštes, Paris, Aubier 1943 Ă©d. 1989, p. 355 87 — ibid., p. 356 88 — ibid., p. 356-357 89 — ibid., p. 357 90 — Cf. L. Dal PrĂ  dir. Bernardo di Chiaravall nell’arte italiana dal XI al XVIII secolo, Milan, Electa 1990, p. 48-71 91 — Cf. M. Bartoli Analisi storica e interpretazion psicoanalitica di una visione s Santa Chiara d’Assisi » Archivum Franciscanum Historicum LXXIII, 1980, n° 4, p. 449-472 Sur la lactation comme thĂšm mystique et monastique cf. C. W. Bynum, Holy Feas and Holy Fast. The Religiou Significance of Food to Medieva Women, Berkeley-Los Angeles Londres, University of Californi Press, 1987, p. 116-118, 190-191 270-275, 289-293, etc 92 — Catherine de Sienne Le Livre des dialogues trad. Guigues, Paris, Le Seuil 1953, p. 308 93 — Cf. M. Von Thadden Die Ikonographie der Carita in der Kunst des Mittelalters, Bonn ThĂšse de l’UniversitĂ©, 1951 94 — Cf. G. Didi-Huberman Un sang d’images » Nouvelle Revue de Psychanalyse n° 32, 1985, p. 123-153 95 — Cf. C. W. Bynum Jesus as Mother. Studies in th Spirituality of the High Middle Ages Berkeley-Los Angeles-Londres University of California Press, 1982 96 — Sarkis, au commencement le toucher » pour Matthia GrĂŒnewald, 2005. Six films vidĂ© rĂ©alisĂ©s au Centre de recherch et de restauration des musĂ©e de France, au Louvre 97 — Huysmans Les GrĂŒnewald du musĂ©e de Colma 1904, Ă©d. P. Brunel A. Guyaux et C. Heck, Paris Hermann, 1988, p. 50-52 98 — ibid., p. 50 99 — ibid., p. 50 et 52-53 100 — ibid., p. 21-22 101 — ibid., p. 48 102 — ibid., p. 33 103 — ibid., p. 30 et 44 104 — ibid., p. 30 et 10 Carnet de 1903 105 — On retrouve le mĂȘm systĂšme chromatique dan le bloc de compassion » roug et blanc qui entour la Crucifixion de BĂąle 106 — Berlin, Kupferstichkabinett Cf. H. Ziermann et E. Beissel Matthias GrĂŒnewald, Munich Londres-New York, Prestel, 2001, p. 12 107 — Cf. H. Hubach Matthias GrĂŒnewald der Aschaffenburge Maria-Schnee-Altar. Geschichte Rekonstruktion, Ikonographie Mainz-Trier, Verlag der Gesellschaf fĂŒr mittelrheinisch Kiechengeschichte, 1996 E. Wiemann, Die Stuppache Madonna, Stuttgart, Staatsgalerie 1998 108 — Berlin, Kupferstichkabinett Cf. H. Hubach, Matthias GrĂŒnewald der Aschaffenburge Maria-Schnee-Altar, op. cit. planche III 109 — G. Agamben, Profanations trad. M. Rueff, Paris, Payot e Rivages, 2005, p. 91 110 — ibid., p. 92 111 — ibid., p. 93 112 — ibid., p. 93-94 113 — ibid., p. 100-107 et 112 114 — ibid., p. 94 115 — ibid., p. 113 116 — Cf. A. Rey dir. Dictionnaire historiqu de la langue française, Paris Dictionnaires Le Robert 992, I, p. 109 sv Lai » 117 — U. Fleckner et Sarkis Die Schatzkammern de Mnemosyne. Ein Lesebuc mit Texten zur GedĂ€chtnistheori von Platon bis Derrida, Dresde Verlag der Kunst, 1995 118 — U. Fleckner L’atelier sans artiste À propos de la reprĂ©sentatio du lieu de travail, de Caspar Davi Friedrich Ă  Sarkis » trad. O. Brogden, Sarkis op. cit., p. 24-35. Id., Theatru mundi », Sarkis. Le mond est illisible, mon coeur si Lyon-Milan, MusĂ©e d’Ar contemporain-5 Continents Éditions 2003, p. 129-135 119 — Cf. G. Didi-Huberman L’image brĂ»le » confĂ©renc prononcĂ©e le 18 juin 200 au Centre Georges Pompidou, extrai publiĂ© dans Art Press, n° spĂ©cial 25 2004 [ Images et religion du livre »] p. 68-73, Ă  paraĂźtre 120 — Sarkis. op. cit., p. 14 121 — U. Fleckner “Der Leidschatz der Menschhei wird humaner Besitz” Sarkis, Warburg und das sozial GedĂ€chtni der Kunst », Sarkis Das Licht des Blitzes — Der LĂ€r des Donners, Vienne, Museu moderner Kunst-Stiftung Ludwig 1995, p. 33-46 art. cit., p. 134 122 — Id., Theatrum mundi » 123 — M. Yourcenar, Le lait de l mort » 1938, Nouvelles orientales Paris, Gallimard, 1963, p. 43-58 RĂ©cit commentĂ© par A. Guyaux Le lait de la mĂšre », Critique n° 383, 1979, p. 368-374 Pour une Ă©tude comparativ de ce motif, cf. H. Diplich Das Bauopfer als dichterisches Moti in SĂŒdosteuropa, Munich, Verla des sĂŒdostdeutschen Kulturwerkes 1976, et surtout le recueil compos par V. GĂ©ly-Ghedira dir. Le Lait de la mort. La ballade d l’emmurĂ©e et sa fortune littĂ©raire Clermont-Ferrand, UniversitĂ© Blais Pascal-Centre de Recherche sur les LittĂ©ratures moderne et contemporaines, 1998.

JĂ©rusalem sera foulĂ©e aux pieds par des paĂŻens, jusqu’à ce que leur temps soit accompli" MĂ©ditation de l'Evangile (Lc 21, 20-28) par le pĂšre Antoine Adam Chant final : "Fin des temps
Paroles de la chanson La rose foulĂ©e par Jacques Offenbach Pauvre fleur que dans l'allĂ©e Son pied distrait a foulĂ©e Sur mon cƓur vis jusqu'au soir; Vis pour me parler de celle Si fiĂšre, hĂ©las! et si belle Qui te brisa sans te voir Sa cruelle indiffĂ©rence Dans une mĂȘme souffrance Nous unit tous deux, ma sƓur Comme toi, brisĂ© par elle Si fiĂšre, hĂ©las ! et si belle N'ai-je pas le mort au cƓur? Ô fleur! si tu renais femme! Parfum, si tu deviens Ăąme! Si Dieu te fait refleurir Rose, en un sein de rosiĂšre Sois aussi belle, et moins fiĂšre Tu vois qu'on en peut mourir
ï»żPolitique En dĂ©placement au Texas, Jill Biden a provoquĂ© une polĂ©mique qui a fortement dĂ©plu Ă  la communautĂ© hispanique. La First Lady les a dĂ©crits comme aussi
Depuis qu’Adam, ce cruel homme, A perdu son fameux jardin, OĂč sa femme, autour d’une pomme, Gambadait sans vertugadin, Je ne crois pas que sur la terre Il soit un lieu d’arbres plantĂ© Plus cĂ©lĂ©brĂ©, plus visitĂ©, Mieux fait, plus joli, mieux hantĂ©, Mieux exercĂ© dans l’art de plaire, Plus examinĂ©, plus vantĂ©, Plus dĂ©crit, plus lu, plus chantĂ©, Que l’ennuyeux parc de Versailles. Ô dieux ! ĂŽ bergers ! ĂŽ rocailles ! Vieux Satyres, Termes grognons, Vieux petits ifs en rangs d’oignons, Ô bassins, quinconces, charmilles ! Boulingrins pleins de majestĂ©, OĂč les dimanches, tout l’étĂ©, BĂąillent tant d’honnĂȘtes familles ! FantĂŽmes d’empereurs romains, PĂąles nymphes inanimĂ©es Qui tendez aux passants les mains, Par des jets d’eau tout enrhumĂ©es ! Tourniquets d’aimables buissons, Bosquets tondus oĂč les fauvettes Cherchent en pleurant leurs chansons, OĂč les dieux font tant de façons Pour vivre Ă  sec dans leurs cuvettes ! Ô marronniers ! n’ayez pas peur ; Que votre feuillage immobile, Me sachant versificateur, N’en demeure pas moins tranquille. Non, j’en jure par Apollon Et par tout le sacrĂ© vallon, Par vous, NaĂŻades Ă©brĂ©chĂ©es, Sur trois cailloux si mal couchĂ©es, Par vous, vieux maĂźtres de ballets, Faunes dansant sur la verdure, Par toi-mĂȘme, auguste palais, Qu’on n’habite plus qu’en peinture, Par Neptune, sa fourche au poing, Non, je ne vous dĂ©crirai point. Je sais trop ce qui vous chagrine ; De Phoebus je vois les effets Ce sont les vers qu’on vous a faits Qui vous donnent si triste mine. Tant de sonnets, de madrigaux, Tant de ballades, de rondeaux, OĂč l’on cĂ©lĂ©brait vos merveilles, Vous ont assourdi les oreilles, Et l’on voit bien que vous dormez Pour avoir Ă©tĂ© trop rimĂ©s. En ces lieux oĂč l’ennui repose, Par respect aussi j’ai dormi. Ce n’était, je crois, qu’à demi Je rĂȘvais Ă  quelque autre chose. Mais vous souvient-il, mon ami, De ces marches de marbre rose, En allant Ă  la piĂšce d’eau Du cĂŽtĂ© de l’Orangerie, À gauche, en sortant du chĂąteau ? C’était par lĂ , je le parie, Que venait le roi sans pareil, Le soir, au coucher du soleil, Voir dans la forĂȘt, en silence, Le jour s’enfuir et se cacher Si toutefois en sa prĂ©sence Le soleil osait se coucher. Que ces trois marches sont jolies ! Combien ce marbre est noble et doux ! Maudit soit du ciel, disions-nous, Le pied qui les aurait salies ! N’est-il pas vrai ? Souvenez-vous. – Avec quel charme est nuancĂ©e Cette dalle Ă  moitiĂ© cassĂ©e ! Voyez-vous ces veines d’azur, LĂ©gĂšres, fines et polies, Courant, sous les roses pĂąlies, Dans la blancheur d’un marbre pur ? Tel, dans le sein robuste et dur De la Diane chasseresse, Devait courir un sang divin ; Telle, et plus froide, est une main Qui me menait naguĂšre en laisse. N’allez pas, du reste, oublier Que ces marches dont j’ai mĂ©moire Ne sont pas dans cet escalier Toujours dĂ©sert et plein de gloire, OĂč ce roi, qui n’attendait pas, Attendit un jour, pas Ă  pas, CondĂ©, lassĂ© par la victoire. Elles sont prĂšs d’un vase blanc, Proprement fait et fort galant. Est-il moderne ? est-il antique ? D’autres que moi savent cela ; Mais j’aime assez Ă  le voir lĂ , Étant sĂ»r qu’il n’est point gothique. C’est un bon vase, un bon voisin ; Je le crois volontiers cousin De mes marches couleur de rose ; Il les abrite avec fiertĂ©. Ô mon Dieu ! dans si peu de chose Que de grĂące et que de beautĂ© ! Dites-nous, marches gracieuses, Les rois, les princes, les prĂ©lats, Et les marquis Ă  grands fracas, Et les belles ambitieuses, Dont vous avez comptĂ© les pas ; Celles-lĂ  surtout, j’imagine, En vous touchant ne pesaient pas. Lorsque le velours ou l’hermine FrĂŽlaient vos contours dĂ©licats, Laquelle Ă©tait la plus lĂ©gĂšre ? Est-ce la reine Montespan ? Est-ce Hortense avec un roman, Maintenon avec son brĂ©viaire, Ou Fontange avec son ruban ? Beau marbre, as-tu vu la ValliĂšre ? De ParabĂšre ou de Sabran Laquelle savait mieux te plaire ? Entre Sabran et ParabĂšre Le RĂ©gent mĂȘme, aprĂšs souper, Chavirait jusqu’à s’y tromper. As-tu vu le puissant Voltaire, Ce grand frondeur des prĂ©jugĂ©s, Avocat des gens mal jugĂ©s, Du Christ ce terrible adversaire, Bedeau du temple de CythĂšre, PrĂ©sentant Ă  la Pompadour Sa vieille eau bĂ©nite de cour ? As-tu vu, comme Ă  l’ermitage, La rondelette Dubarry Courir, en buvant du laitage, Pieds nus, sur le gazon fleuri ? Marches qui savez notre histoire, Aux jours pompeux de votre gloire, Quel heureux monde en ces bosquets ! Que de grands seigneurs, de laquais, Que de duchesses, de caillettes, De talons rouges, de paillettes, Que de soupirs et de caquets, Que de plumets et de calottes, De falbalas et de culottes, Que de poudre sous ces berceaux, Que de gens, sans compter les sots ! RĂšgne auguste de la perruque, Le bourgeois qui te mĂ©connaĂźt MĂ©rite sur sa plate nuque D’avoir un Ă©ternel bonnet. Et toi, siĂšcle Ă  l’humeur badine, SiĂšcle tout couvert d’amidon, Ceux qui mĂ©prisent ta farine Sont en horreur Ă  Cupidon !
 Est-ce ton avis, marbre rose ? MalgrĂ© moi, pourtant, je suppose Que le hasard qui t’a mis lĂ  Ne t’avait pas fait pour cela. Aux pays oĂč le soleil brille, PrĂšs d’un temple grec ou latin, Les beaux pieds d’une jeune fille, Sentant la bruyĂšre et le thym, En te frappant de leurs sandales, Auraient mieux rĂ©joui tes dalles Qu’une pantoufle de satin. Est-ce d’ailleurs pour cet usage Que la nature avait formĂ© Ton bloc jadis vierge et sauvage Que le gĂ©nie eĂ»t animĂ© ? Lorsque la pioche et la truelle T’ont scellĂ© dans ce parc boueux, En t’y plantant malgrĂ© les dieux, Mansard insultait PraxitĂšle. Oui, si tes flancs devaient s’ouvrir, Il fallait en faire sortir Quelque divinitĂ© nouvelle. Quand sur toi leur scie a grincĂ©, Les tailleurs de pierre ont blessĂ© Quelque VĂ©nus dormant encore, Et la pourpre qui te colore Te vient du sang qu’elle a versĂ©. Est-il donc vrai que toute chose Puisse ĂȘtre ainsi foulĂ©e aux pieds, Le rocher oĂč l’aigle se pose, Comme la feuille de la rose Qui tombe et meurt dans nos sentiers ? Est-ce que la commune mĂšre, Une fois son oeuvre accompli, Au hasard livre la matiĂšre, Comme la pensĂ©e Ă  l’oubli ? Est-ce que la tourmente amĂšre Jette la perle au lapidaire Pour qu’il l’écrase sans façon ? Est-ce que l’absurde vulgaire Peut tout dĂ©shonorer sur terre Alfred de Musset AudelĂ  du semi-marathon de dimanche, c'est bien la course Ă  pied qui est en pĂ©ril. Je suis en bas, la tĂȘte baissĂ©e, perdue au pays de la dĂ©ception. Je refuse de laisser la place Ă  la colĂšre, elle ne me ressemble pas. Achille, si tu m'entends oublie-moi. Je ne te mĂ©rite pas. Toi et moi n'avons rien en commun.
Ça peut paraĂźtre surprenant que la paisible et petite ville » de Berne soit la capitale de la Suisse. Beaucoup d’étrangers imaginent que c’est Zurich. ClassĂ©e Ă  l’UNESCO, pleine de charme et dotĂ©e d’une dĂ©contraction et d’un art de vivre plutĂŽt rare pour une capitale, Berne ne manque pas d’atouts. Sur nous, la magie de cette ville qu’on visite pourtant depuis notre enfance reste intacte. Alexandra et moi avons plaisir Ă  la partager dans cet article, avec nos yeux de Suisses. Cet article recense les lieux Ă  ne pas manquer pour visiter Berne et des conseils pour en profiter pleinement. Tu peux le suivre comme un itinĂ©raire ou picorer selon tes envies
 On sait qu’on te le dit tout le temps, mais on te conseille de prendre ton temps pour visiter Berne. MĂȘme si tu peux en faire le tour en une journĂ©e, ça vaut la peine de prendre le temps de palper l’atmosphĂšre zen qui y rĂšgne et de profiter des terrasses si tu es en Ă©tĂ© et autres petits cafĂ©s cosy, si tu es en automne/hiver. La vieille ville classĂ©e Ă  l’UNESCO a beaucoup de charme, c’est lĂ , oĂč il y a les principaux lieux Ă  visiter, mais pas seulement. Dans cet article, on recense tous les lieux que nous avons dĂ©couverts et qui nous ont plu. Toutefois, voici quand mĂȘme quelques incontournables Ă  nos yeux Ă  voir et Ă  faire Ă  Berne L’HĂŽtel de VilleLa ZytgloggeLes fontaines allĂ©goriquesLe Palais fĂ©dĂ©ralLa BundesterrasseLa CollĂ©giale et sa terrasseLe Rosengarten Jardin des rosesLa Tour des PrisonsLe MusĂ©e d’Histoire de Berne et le MusĂ©e EinsteinL’Aar et le point de vue Aussichtspunkt Terrasse »Envie de plus de visites ? Excursions Ă  Berne. Pourquoi la vieille ville de Berne est classĂ©e Ă  l’UNESCO ?La vieille ville de Berne a conservĂ© sa structure urbaine mĂ©diĂ©vale. La structure urbaine et son dĂ©veloppement entre le 12Ăšme et le 14Ăšme siĂšcle sont remarquablement prĂ©servĂ©s. De nombreux bĂątiments historiques ont conservĂ© leur structure originale et le plan mĂ©diĂ©val est intact. Rathausplatz – HĂŽtel de Ville L’HĂŽtel de Ville est ni plus ni moins que le siĂšge du gouvernement
bernois, Ă©videmment. Regarde bien si tu y vois le drapeau du canton. Comme Ă  Buckingham Palace, s’il est hissĂ© c’est que la reine, enfin les politiques sont Ă  l’intĂ©rieur. Le bĂątiment et la petite la place Rathausplatz, mĂ©ritent le coup d’Ɠil. La façade de style gothique tardif a plus de 600 ans ! Avec Alexandra, on aime beaucoup cette place et sa fontaine du Banneret, un bien culturel d’importance nationale. Pas mal, non ? Des visites guidĂ©es de l’HĂŽtel de Ville sont organisĂ©es, en allemand uniquement. On ne l’a pas testĂ©e. Mais si ça t’intĂ©resse, voici le lien d’inscription avec toutes les infos nĂ©cessaires. Kramgasse Une de nos rues prĂ©fĂ©rĂ©es Ă  Berne. Avec ses arches typiques Ă  souhait, ses fontaines allĂ©goriques colorĂ©es et ses façades baroques tardives ornĂ©es de drapeaux, elle est croquignolette Ă  souhait ! Ce n’est pas pour rien que Goethe l’a qualifiĂ©e de plus belle ruelle du monde » ce qu’on ignorait jusqu’ici. On aime flĂąner dans cette Gasse » Gasse = ruelle en français, car on a l’impression de plonger dans le 16Ăšme siĂšcle. Le dĂ©cor sans effort Ă©voque les carrosses, les guildes, les artisans. Prends le temps de regarder les innombrables dĂ©tails des maisons, autant de tĂ©moignages du passĂ©. Loin d’ĂȘtre une ruelle-musĂ©e dans l’ñme, la Kramgasse est une vĂ©ritable mine de petits commerces, de restaurants, pas moins de 4 théùtres de cave et la Maison d’Einstein. PrĂ©servĂ©e, magnifique, active et gourmande on raffole. Zytglogge VĂ©ritable symbole de la vieille ville de Berne, cette tour datant de 1405 a connu plusieurs vies prison, tour de garde, porte de la ville. Mais ce qui la rend particuliĂšrement cĂ©lĂšbre et pour nous, agrĂ©able Ă  regarder, c’est l’horloge astronomique qui orne une des façades depuis 1530 !. MĂȘme s’il ne s’agit pas de la plus ancienne horloge publique du monde, elle est tout de mĂȘme spectaculaire et recĂšle quelques caractĂ©ristiques tout Ă  fait Ă©tonnantes, l’une visible de tous et l’autre loin des regards. PremiĂšrement, 3 minutes avant chaque heure, elle s’anime et offre Ă  tous les curieux qui lĂšvent les yeux vers elle, une animation visuelle et sonore regroupant un ours, un coq, un fou et mĂȘme un dieu
 Eh oui, tu as bien lu, elle s’anime 3 minutes avant l’heure. C’est bien connu, la ponctualitĂ© est une vertu en Suisse et ĂȘtre juste l’heure, c’est dĂ©jĂ  presque trop tard. La Zytlogge en est l’exemple parfait. Si l’animation n’est pas aussi impressionnante que celle de notre bonne vieille horloge de la Place de la Palud Ă  Lausanne, elle mĂ©rite tout de mĂȘme que tu arrives un peu Ă  l’avance pour en profiter. DeuxiĂšmement, cette horloge mĂ©canique fonctionnant Ă  l’aide de poids en pierre est toujours remontĂ©e Ă  la main, et ceci depuis prĂšs de 500 ans. De nos jours, un Zytgloggerichter est toujours responsable du bon fonctionnement continu de la Zytlogge, comme tant de gĂ©nĂ©rations avant lui. Pour cela, il doit sans faute tirer sur les 20 mĂštres de cordes reliĂ©es aux 400kg de pierres qui actionnent le mĂ©canisme. Et comment faire pour la garder Ă  l’heure pendant qu’il la remonte ? Comme nous, tu peux trouver la rĂ©ponse Ă  cette Ă©pineuse question lors de la visite guidĂ©e de la tour. On te la conseille vraiment. La visite te conduit au cƓur de la tour et te permet d’approcher au plus prĂšs de son incroyable mĂ©canisme. En ce qui me concerne, j’aurais pu rester Ă  la contempler des heures entiĂšres. AprĂšs 130 marches, au sommet de la tour, on profite d’une jolie vue sur la vieille ville de Berne. AchĂšte ton billet ici visite guidĂ©e Zytglogge. Maison d’Einstein Einstein a passĂ© 2 ans Berne 1903-1905. C’est peu, mais ce sont des annĂ©es qui comptent. Et pour cause, il a Ă©laborĂ© sa fameuse thĂ©orie de la relativitĂ© dans la capitale fĂ©dĂ©rale ! SituĂ©e au 2Ăšme Ă©tage du numĂ©ro 49 de la Kramgasse, tu peux la visiter et ainsi voir oĂč le gĂ©nie a vĂ©cu, ainsi que des photos et du mobilier d’époque. C’est une plongĂ©e dans son univers et celui de sa femme Mileva et de son fils Hans. Pour notre part, on ne l’a pas visitĂ©e, on s’est plutĂŽt orientĂ© vers le MusĂ©e Einstein qui donne Ă©galement de nombreux dĂ©tails sur sa vie, ses parents, son Ɠuvre et mĂȘme son enfance. 11 Fontaines allĂ©goriques Si la vieille ville de Berne compte plus de 100 fontaines, 11 sortent clairement du lot les fontaines allĂ©goriques. ColorĂ©es, richement dĂ©corĂ©es et surmontĂ©es d’une colonne oĂč trĂŽne un personnage, elles valent chacune le dĂ©tour. Construites au 16Ăšme siĂšcle par le sculpteur Hans Gieng, elles racontent toutes une histoire, coutume de la vie bernoise ou une vertu. Si certaines sont explicites, comme le MoĂŻse avec ses 2 tablettes ou Samson terrassant le lion Ă  mains nues, d’autres sont plus Ă©nigmatiques
 En effet, sur la Kornhausplatz, la fontaine reprĂ©sente un ogre mangeant des enfants. AprĂšs prise de renseignements, on peut te confirmer qu’il ne s’agit pas d’une ancienne coutume bernoise. En revanche, le sens de cette statue est sujet Ă  controverse et il n’est pas possible de connaĂźtre son sens exact. En rĂ©sumĂ©, arpente la vieille ville et laisse-toi surprendre par les diffĂ©rentes fontaines que tu croises sur ta route. Ensuite, essaie d’en dĂ©couvrir le sens sans aide extĂ©rieure. Fais attention aux dĂ©tails ! Tu peux consulter le site de la ville de Berne qui consacre une page entiĂšre aux 11 fontaines allĂ©goriques pour savoir si tu avais vu juste. Fontaine Schuetzenbrunnen Palais fĂ©dĂ©ral Changement de dĂ©cor et d’époque avec le Palais fĂ©dĂ©ral. Le Palais en lui-mĂȘme a Ă©tĂ© construit en plusieurs Ă©tapes entre 1894 et 1902, en calcaire et molasse. C’est cette derniĂšre qui lui donne sa teinte si particuliĂšre. On aime son architecture nĂ©o-renaissance » Ă  la fois sobre et Ă©lĂ©gante. Nous n’avons jamais franchi la porte du Palais, mais il peut ĂȘtre visitĂ© et il est mĂȘme possible d’assister aux dĂ©bats. Ce n’est pas notre truc, mais si ça t’intĂ©resse, on te conseille de visiter la page du parlement. Pourquoi ne pas aller jeter un Ɠil Ă  sa coupole garni de 50’000 feuilles d’or ? Depuis 2021, il y a aussi une App qui fait audioguide en 5 langues. Tape palais fĂ©dĂ©ral » dans ton on-line store. Avant 2003, la Bundesplatz Place fĂ©dĂ©rale n’était qu’un parking sans charme. Depuis lors, les places de stationnement ont Ă©tĂ© remplacĂ©es par un dallage sobre et une spectaculaire fontaine composĂ©e de 26 jets d’eau en rĂ©fĂ©rence aux 26 cantons. IdĂ©ale pour te rafraichir en Ă©tĂ©. EnlĂšve tes chaussures et fonce ! Palais fĂ©dĂ©ral et la fontaine Palais fĂ©dĂ©ral depuis le parc Kleine Schanze Bundesterrasse Terrasse du Palais fĂ©dĂ©ral – Europapromenade Au pied du Palais fĂ©dĂ©ral se trouve une superbe terrasse qui surplombe la Ville basse et domine l’Aar. C’est un endroit calme et agrĂ©able pour faire une pause ou manger un morceau sur un banc. Joli coup d’Ɠil sur le MusĂ©e d’Histoire de Berne. Par temps clair, on voit trĂšs bien l’Eiger, le Mönch et la Jungfrau. C’est splendide ! On te conseille de faire une balade depuis la Bundesterrasse la Terrasse du Palais FĂ©dĂ©ral et de rejoindre ensuite le Kleine Schanz petit parc en prenant l’Europapromenade. CollĂ©giale La collĂ©giale de tous les superlatifs ! Plus haut clocher de SuissePlus grande Ă©glise de style gothique flamboyant du paysPlus grosse cloche de Suisse294 figurines ornent son portail principal monumentalAvec plus de 100 mĂštres de haut, elle est impossible Ă  manquer lors d’une visite de la vieille ville. Pour nous, son portail du Jugement Dernier en est l’atout principal. Tu pourrais passer des heures Ă  le regarder pour en comprendre tous les sens. Un Ă©lĂ©ment tout Ă  fait particulier y apparait un pape envoyĂ© en enfer. Autant dire un message pour le moins osĂ© et controversĂ© ! Cela s’explique par le passĂ© religieux de la ville qui lui a permis une certaine libertĂ© de crĂ©ation. L’intĂ©rieure est joli, mais ne rivalise selon nous pas avec certaines Ă©glises du pays comme la cathĂ©drale de Soleure ou l’Abbaye de Saint-Gall. Si tu le souhaites, tu peux monter en sommet du clocher payant et ses 312 marches pour profiter d’une superbe vue sur les toits de Berne. On a voulu le faire, mais il fallait dĂ©poser tous nos sacs et on ne voulait pas le faire, donc on a renoncĂ©. La vue de depuis la Zytglogge, nous a bien consolĂ©, ceci dit. Terrasse de la CollĂ©giale Mention spĂ©ciale pour cette esplanade au calme et sa vue sur l’Aar et la Matte. Si comme nous, tu recherches un lieu pour faire une pause Ă  l’ombre dans ta visite de Berne, accompagnĂ©e ou non d’une boisson bien fraĂźche ou d’une glace, alors la Terrasse de la CollĂ©giale et l’endroit rĂȘvĂ©. Profite d’un de ses nombreux bancs sous un chĂątaigner et contemple la vue sur la riviĂšre, la Matte ou sur les superbes façades des maisons patriciennes. Sans doute un des plus beaux spots photo de Berne. Dans un coin de l’esplanade, Ă  cĂŽtĂ© du Senkeltram, un ascenseur payant aussi appelĂ© Mattelift » conçu par Gustav Eiffel, se trouve la trĂšs jolie maisonnette du cafĂ© Einstein au Jardin ». Charmant comme tout. UntertorbrĂŒcke et LĂ€uferpltaz L’UntertorbrĂŒcke ou pont de la porte infĂ©rieure est le plus ancien pont sur l’Aar de la ville de Berne. Ce qui explique le fait que lorsque le Duc Berthold V de Zahringen a fondĂ© la ville en 1191, il a choisi comme emplacement la partie ouest du mĂ©andre, qui protĂ©geait naturellement la citĂ© sur 3 cĂŽtĂ©s. La ville s’est ensuite Ă©tirĂ©e vers l’est. Le pont actuel remplace un pont en bois datant de 1256, ce n’est qu’en 1487, que le pont de pierre vit le jour. Jusqu’à l’édification du Pont Nydegg prĂšs de 600 plus tard, l’UntertorbrĂŒcke Ă©tait un axe incontournable de la citĂ© et plus particuliĂšrement de la Ville basse. Avant qu’on se perde dans un cours d’histoire bernoise, on veut juste vivement te conseiller d’aller faire un tour sur ce pont et sur la LĂ€uferpltaz pour y voir la Fontaine du Coureur Laufer auquel la place doit son nom actuel. C’est absolument charmant et hors du temps. Les maisons Ă©voquent encore le passĂ© glorieux et douanier du pont. Le quartier est calme et ses ruelles pavĂ©es tortueuses sont parmi les plus belles de la ville. Pont de Nydegg SituĂ© prĂšs de la Fosse aux ours, en parallĂšle Ă  l’UntertorbrĂŒcke, le Pont de Nydegg en impose. Il offre une trĂšs belle vue sur l’Aar et sur une partie de la ville. VĂ©ritable porte d’entrĂ©e sur la vieille ville, il fait partie des lieux les plus visitĂ©s de la capitale. Si on a bien aimĂ© y faire quelques photos et profiter de la vue, on trouve que ce pont a moins de charme que son ainĂ© citĂ© plus haut. Et comme la Fosse aux ours ne nous intĂ©resse pas vraiment, car on aime savoir les ours en libertĂ© plutĂŽt que livrĂ©s aux cris et autres exubĂ©rances de touristes excitĂ©s en quĂȘte d’une bonne photo, ce lieu ne prĂ©sente qu’un intĂ©rĂȘt limitĂ©. Un pont joli, mais sans plus. Fosse aux ours Pas pour nous du tout pour les raisons citĂ©es plus haut, mais l’esplanade donne un joli point de vue sur la vieille ville de Berne. En contrebas, dĂ©bute une belle balade au bord de l’Aar on y reviendra. On a toujours de la peine avec le fait de voir des animaux en captivitĂ©. Encore plus dans des lieux aussi restreints, quand on connaĂźt leur vie Ă  l’état sauvage. Depuis 2009, la fosse s’est adjoint un parc oĂč les ours peuvent se balader plus au calme. Quand on allait Ă  Berne dans notre enfance, ce n’était pas le cas et s’était bien triste. MĂȘme si l’ours fait partie intĂ©grante de Berne, autant dans son nom BĂ€re, que sur son Ă©cusson, fallait-il vraiment avoir 3 ours dans la ville ? La tradition perdure depuis 1513, mais toutes les traditions n’ont pas que du bon, non ? Bref, ce lieu est un sentiment mitigĂ© pour nous, entre le cĂŽtĂ© historique indĂ©niable et la rĂ©alitĂ© du terrain. Beaucoup de cris et certains visiteurs qui n’hĂ©sitent pas Ă  lancer des choses dans la fosse pour attirer l’attention des ours, sans respect pour l’animal. Triste spectacle. Rosengarten – Jardin des roses Faire un selfie avec Einstein ? Au Rosengarten, c’est possible ! Ce parc, situĂ© en face de la vieille ville, sur l’autre rive de l’Aar, est un incontournable photo de la ville. Non seulement tu peux passer un moment sur un banc avec Albert, mais aussi profiter d’une des plus belles vues sur la vieille ville de Berne. Aire de dĂ©tente et de pique-nique trĂšs prisĂ©e des Bernois, l’intĂ©rĂȘt du Rosengarten rĂ©side selon nous davantage dans son emplacement privilĂ©giĂ©, que dans les roses auxquelles il doit son nom. Quelques jolis parterres de roses colorent le parc. Pas dĂ©plaisant, mais pas de quoi Ă©clipser la vue qui attire la foule des visiteurs. Notre conseilLonge le mur face Ă  la ville, assieds-toi sur le banc oĂč t’attends Einstein, puis continue sur ce chemin piĂ©tonnier qui descend en direction de la Fosse aux ours. La vue est trĂšs sympa. Jardin botanique Pour les amoureux des plantes et de calme. Ce jardin botanique en terrasse est un lieu paisible. TrĂšs apprĂ©ciĂ© des locaux qui aiment y rĂ©viser ou simplement s’y dĂ©tendre autour d’un verre ou d’une glace. Des serres avec des plantes tropicales permettent d’apercevoir de nombreuses espĂšces exotiques qui ravissent les botanistes chevronnĂ©s et de nombreux botanistes en herbe dĂ©solĂ©, je devais la faire
. Tour des Prisons KĂ€figturm Moins spectaculaire que la Zytglogge, mais pas moins intĂ©ressante, la Tour des Prisons fait partie des incontournables d’une visite de la ville de Berne. Cette ancienne porte de la ville a connu plusieurs vies avant d’acquĂ©rir sa forme et sa fonction actuelles. À sa crĂ©ation en 1256, elle avait une fonction dĂ©fensive dans le mur d’enceinte. Ce n’est qu’aprĂšs sa reconstruction Ă  la suite de l’incendie qui ravagea Berne en 1405 qu’elle devint une prison et ceci jusqu’en 1897. Aujourd’hui, c’est un monument historique qui se visite. MusĂ©e d’Histoire de Berne et MusĂ©e Einstein Berne compte de nombreux musĂ©es, le plus dur est sans doute de faire son choix. On a optĂ© pour le MusĂ©e d’Histoire de Berne et MusĂ©e Einstein qui se situent dans le mĂȘme bĂątiment et juste Ă  cĂŽtĂ© du Centre d’art contemporain, sur l’Helvetiaplatz. Il est facilement accessible Ă  pied par le pont de Kirchefeld, qui relie la Place du Casino aux musĂ©es. Le MusĂ©e Histoire de Berne et MusĂ©e Einstein avec ses airs de chĂąteau MusĂ©e d’Histoire de Berne Un musĂ©e trĂšs bien conçu et riche. Avec 10 expositions permanentes, les passionnĂ©s d’Histoire comme moi y trouvent vraiment leur compte. Avec Alexandra, on a particuliĂšrement aimĂ© la partie consacrĂ©e Ă  l’histoire du canton de Berne. Cartes, livres anciens, armures, tout y est ! Compte tenu du rĂŽle majeur qu’a jouĂ© ce canton dans l’histoire du pays, cette exposition est vraiment prĂ©cieuse pour plonger dans notre passĂ©. Nous avons Ă©galement beaucoup aimĂ© la superbe exposition temporaire sur les samouraĂŻs. Une trĂšs belle mise en scĂšne sonore qui donne le ton et des piĂšces magnifiques ont rendu cette visite plutĂŽt intense. MusĂ©e Einstein Un Ă©tage entier du musĂ©e est consacrĂ© au cĂ©lĂšbre scientifique et pas uniquement Ă  ses annĂ©es bernoises ! De sa naissance Ă  ses dĂ©couvertes, en passant par son Ă©ducation et ses pĂ©ripĂ©ties professionnelles, c’est la vie d’Einstein qui est retracĂ©e. Objets de la vie courante, portrait des parents ou films explicatifs sur certaines thĂ©ories, cette exposition immersive est trĂšs complĂšte et intĂ©ressante, sans ĂȘtre Ă©litiste. Balade le long de l’Aar L’Aar pour les Bernois, c’est comme le sang dans nos veines. Ils aiment cette riviĂšre, plongent dĂšs que possible et passent beaucoup de temps sur ses rives. Autour de la ville, en particulier sur la partie extĂ©rieure Altenberg du cĂ©lĂšbre mĂ©andre, se trouve un trĂšs agrĂ©able chemin de balade. NichĂ© au cƓur de la ville, entre les parties anciennes et modernes, c’est une vĂ©ritable oasis de nature qui s’étend sur km. À la belle saison, il y a autant de monde sur les rives que dans l’eau. Les Bernois aiment beaucoup nager dans l’Aar et se laisser dĂ©river avant de remonter Ă  pied. Tu les verras avec des sacs Ă©tanches pour leurs affaires, plonger prudemment depuis les rives amĂ©nagĂ©es ou non, souvent en famille ou mĂȘme avec leur chien. Notre conseilDepuis la Fosse aux ours, pars sur la gauche jusqu’à SchwellenmĂ€tteli. La vue sur la ville est superbe et les chutes au bout du chemin apportent une trĂšs agrĂ©able fraicheur. Ensuite, reviens sur tes pas et continue jusqu’au Jardin botanique. TrĂšs agrĂ©able balade de 90 minutes sans stress. Matte Le plus ancien quartier de Berne Ă©tait autrefois quartier des artisans et des commerçants. Lieu de passage obligĂ© des marchandises et personnes venues par l’Aar, principale de voie de communication. Ce quartier a Ă©voluĂ© comme une vĂ©ritable communautĂ© Ă  part de la Ville haute. Si bien qu’il a fini par dĂ©velopper la particularitĂ© d’avoir 2 dialectes qui lui sont propres le Matte-Berndutsch joyeux mĂ©lange de français, d’hĂ©breux, d’allemand et quelques pincĂ©es d’autres influences ;le MatteĂ€nglisch une sorte de verlan qui inclut Ă©galement l’ajour de voyelles en dĂ©but et fin des mots. Tout un programme, mais qui n’a rien Ă  voir avec l’anglais !De nous jours, ces dialectes existent toujours, mĂȘme s’ils sont de moins en moins utilisĂ©s. Quant au quartier, bien loin de ses origines modestes, il est maintenant un paisible quartier bourgeois. Lorraine et Breitenrain Les quartiers du nord de la ville accessibles depuis le centre via le LorrainebrĂŒcke. Ce sont des quartiers Ă  la fois dĂ©contractĂ©s et branchĂ©s, avec de nombreux cafĂ©s et adresses gourmandes de Berne. Ces quartiers qui datent de la 2Ăšme moitiĂ© du 19Ăšme siĂšcle n’ont pas le charme de la vieille ville, malgrĂ© de nombreuses belles maisons. En revanche, ils sont parfaits pour goĂ»ter Ă  la vraie » vie locale et Ă  l’atmosphĂšre dĂ©contractĂ©e qui caractĂ©rise la ville. Les 7 plus beaux spots photos gratuits de Berne LovĂ©e dans un mĂ©andre de l’Aar, la vieille ville est vraiment photogĂ©nique. Mais oĂč prendre la photo ultime ? On te livre ici nos spots photos prĂ©fĂ©rĂ©s Ă  Berne Le long de l’Aar, au niveau des chutes, vers le restaurant Terrasse » vues sur la riviĂšre, les façades historiques, la Matte et la chute d’eauPont de Kirchenfeld la plus belle vue sur le Palais fĂ©dĂ©ralRue Grosser Muristalden au-dessus de la fosse aux ours vues sur la ville et le mĂ©andre de l’AarPont du Kornhaus vue imprenable sur la vieille ville et sur l’AarTerrasse de la CollĂ©giale vues sur l’Aar, la Matte et le MusĂ©e d’Histoire de BerneBundesterrasse vues sur l’Aar, la Matte, le MusĂ©e d’Histoire de Berne et les Alpes bernoises en arriĂšre-planRosengarten vues sur la capitale Vue depuis Rue Grosser Muristalden Les diffĂ©rents spots photos Vue depuis la Bundesterrasse sur la Matte et les Alpes bernoises Vue depuis Bundesterrasse Pourquoi on aime visiter la vieille ville de Berne ? On aime beaucoup dĂ©ambuler dans la vieille de Berne pour ses ruelles pavĂ©es avec le style bernois mĂ©diĂ©val si bien conservĂ©. Partout il y a des arches avec des façades travailles et des dĂ©corations anciennes. C’est plein de dĂ©tail et ça a un charme fou ! Il y a aussi les magasins en sous-sol, qui est une des caractĂ©ristiques de la ville mĂ©diĂ©vale. Des anciennes caves aujourd’hui reconverties en boutiques, cafĂ©s, salon de coiffure, ou mĂȘme en théùtres. Berne se visite aussi bien le nez en l’air, que sous terre et ça, ce n’est pas si courant. Voici diffĂ©rentes visites qui pourraient te plaire – Visite avec audioguide– Visite de Berne en 1h– Visite vieille ville 1h30 Magasins en sous-sol, trĂšs typiques de Berne Bonnes adresses Berne regorge de bonnes adresses de toute sorte traditionnel, alternatif, bio, etc. Voici les adresses que nous avons testĂ©es Confiserie Monnier dĂ©licieuses confiseries et autres viennoiseries. On a essayĂ© la Kartoffel patate, une gourmandise Ă  base de massepain fortement imbibĂ©e de kirsch. DĂ©licieux, mais pas recommandĂ© avant de prendre le volant. Schauplatzgasse Tschirren petite boutique aux airs de bijouteries. Les prix sont Ă  l’avenant, mais les amaretti sont de vĂ©ritables merveilles, paroles de connaisseurs ! Kramgasse un bar tout en dĂ©contraction, oĂč savourer de bonnes biĂšres et de dĂ©licieuses planchettes en terrasse. Progr une cabane Ă  pitta, avec de bons plats orientaux et pas chers ; possibilitĂ© de manger sur une table ou banc sur place. Speichergasse 4 d’autres adresses en ville.OĂč loger pour son sĂ©jour Ă  Berne ? Pour nous c’est particulier, car on habite Ă  1 heure de Berne, on n’y dort donc pas souvent. Cependant, nous sommes restĂ©s sur place pour prĂ©parer cet article et avons dormi Ă  l’Alpenblick kind of a hotel », dans le quartier de Breiterein. Son emplacement et trĂšs pratique, car il se trouve dans un quartier vivant et authentique, bien que calme. À seulement 15 minutes du Rosengarten, vĂ©ritable porte d’entrĂ©e d’un sĂ©jour touristique Ă  Berne. Il possĂšde un parking, ce qui est pratique, mĂȘme si on te conseille de venir en train pour visiter la capitale. Cet hĂŽtel a un style bien Ă  lui. Moderne et Ă©clectique. Un Ă©tage prĂ©sente des ruches sur le toit, un autre, un salon de barbier et le premier une bibliothĂšque. Design et Ă©lĂ©gant, il est inscrit dans une intĂ©ressante dĂ©marche de respect de l’environnement, en Ă©liminant par exemple les plastiques Ă  usage uniques. Les chambres sont assez minimalistes et pas trĂšs grandes, pourtant Ă©quipĂ©es d’une cuisine. Les lits sont confortables, mais sont placĂ©s contre un mur. Pour un voyage Ă  2 ça implique que quelqu’un dorme contre le mur. On aime ou on n’aime pas
 On le conseille, mais pour de courts sĂ©jours et pas en cas de forte chaleur, car il n’y a pas de climatisation. Sinon, pourquoi ne pas loger au cƓur de ville historique ? Les prix sont un peu plus Ă©levĂ©s, mais le charme est indĂ©niable
 Tu cherches oĂč loger ? Trouver un hĂŽtel Ă  Berne. HĂŽtel Alpenblick Ă  Berne Combien de temps pour visiter Berne ? 1 jour pour visiter Berne et tout Ă  fait suffisant. Enfin
 pour une visite rapide et peu ou pas de musĂ©es et de visites guidĂ©es. Pour pleinement profiter de la capitale fĂ©dĂ©rale » Ă  prononcer Ă  avec un accent suisse allemand, on te conseille 2 jours. Prends le temps de flĂąner en ville le matin et vivre en toute dĂ©contraction comme les Bernois en dĂ©gustant un cafĂ© et une pĂątisserie locale sur une terrasse. Profite de la cĂ©lĂšbre nightlife de Berne si c’est ton truc. Visite les musĂ©es et n’hĂ©site pas Ă  prendre un guide pour dĂ©couvrir la ville. Son histoire et son patrimoine sont si riches, que ça vaut vraiment la peine. Le mieux est sans doute de visiter Berne Ă  pied et en transports publics. La taille modeste de son centre historique le permet et le charme de ses nombreuses ruelles se savoure en flĂąnant sous les 6 kilomĂštres d’arches caractĂ©ristiques de la ville. Elles sont aussi agrĂ©ables par temps chaud pour s’abriter que par temps pluvieux. Pour les moins marcheurs et pour atteindre quelques points d’intĂ©rĂȘts plus lointains, comme certains musĂ©es, le mieux reste sans doute d’utiliser les nombreux transports publics qui sillonnent la ville bus, tram, ascenseurs, funiculaire, rien ne manque et les cadences sont excellentes ! AstuceEn sĂ©journant Ă  Berne, tu reçois un billet valable sur les transports publics pour la durĂ©e de ton sĂ©jour. Ceci est conditionnĂ© par le paiement d’une taxe de sĂ©jour. Si comme nous, tu utilises l’appli BernWelcome, tu peux y entrer le code de ton billet et celui-ci s’affiche dans ton tĂ©lĂ©phone avec la durĂ©e de validitĂ© restante et de nombreuses infos utiles pour ton sĂ©jour. Visiter les alentours de Berne Les alentours de Berne sont dotĂ©s d’une nature vraiment magnifique et de parcs naturels Thoune une autre ville créée par Berthold V de Zahringen. VĂ©ritable petite merveille Ă  visiter sans naturel du Gantrisch une rĂ©gion de montagnes superbe, idĂ©ale pour des randonnĂ©es nature aprĂšs un sĂ©jour en villeOblerland Bernois le Haut-Pays est une pĂ©pite au cƓur des Alpes bernoises. Pour nous, sans conteste une des plus belles rĂ©gions de Suisse. TrĂšs riche en points d’intĂ©rĂȘts de toutes sortes Ă  dĂ©couvrir dans l’articleLauterbrunnen charmant village, situĂ© dans la vallĂ©e aux mille cascades, dont les paysages ont inspirĂ© Tolkien pour crĂ©er la ComtĂ© des HobbitsSoleure plus belle ville baroque de Suisse. Histoire et douceur de vivre font tout le charme de la ville des Ambassadeurs. Sur notre blog Suisse plus de villes Ă  dĂ©couvrir Si tu souhaites dĂ©couvrir plus de villes en Suisse, voici les articles Ă  lire sur notre blog LausanneNeuchĂątelMontreuxLuganoZurichSaint-GallSionToute la Suisse blog SuisseÉpingle sur Pinterest ce guide de Berne ————————————- Ce sĂ©jour Ă  Berne a Ă©tĂ© organisĂ© en partie en partenariat avec l’office du tourisme. Nous sommes restĂ©s entiĂšrement libres de notre contenu ! ————————————-
Onpeut en tĂ©moigner : il n’y a pas foule, mais, comme il n’y a jamais foule dans les galeries, en dehors des vernissages et des samedis aprĂšs-midi, les apparences sont Ă  peu prĂšs normales. ... sorciers. Non. Luc est spĂ©cial, parce qu'il est le plus grand trouillard que la Terre ait jamais portĂ©, au moins depuis 50 ans !Luc a peur de sortir, il a peur des inconnus, de l'Ă©cole et des professeurs ; il a peur de se retrouver au milieu de la foule, mais aussi de se retrouver seul. Il a peur des voitures, des animaux, tant grands que petits, des insectes et des microbes. Mais par-dessus tout, il a peur du noir, et plus particuliĂšrement de l'Homme Noir qui se cache dans les coins de la prĂ©cision - car le petit cerveau de Luc travaille sans relĂąche Ă  gĂ©nĂ©rer de nouveaux cauchemars - sa plus grande terreur serait de se faire enlever par l'Homme Noir et de se faire entraĂźner dans le noir le plus noir. Et c'est vraiment dommage, car c'est exactement ce qui vient de lui cet endroit, les habitants sont tous des Babaus, bien que, parfois, ils changent de nom ou d'aspect. Cela dit, ils ne sont pas si mĂ©chants, parfois ils semblent mĂȘme franchement marrants, surtout quand ils s'immobilisent tous pour penser, tel un seul Babaus sont en fait les ombres des personnes mortes de mort violente, et ils ne dĂ©testent rien tant que la violence. Ils aiment se cacher dans le noir, lĂ  oĂč les ombres des vivants ne peuvent pas les atteindre et ils ont mis sur pied un systĂšme, relayĂ© par les humains eux-mĂȘmes, qui fait que les vivants craignent leur environnement, le noir justement.
\n\n \ncomme une rose foulée par nos pieds
PiedsfoulĂ©s 26.8.11 . Je jouais dans la cour Ă  ciel ouvert quand j’entendis le heurtoir de la porte retentir dans le couloir. Large couloir au sol en bĂ©ton lisse et noir pour y faire glisser lors des
Sheet music for Rose foulee Offenbach These are automatic search results at Not all results may be Ineffable Tales — John Alan Rose — — ClassicalBy John Alan Rose, JungWon Choi, Moni Simeonov, Moravian Philharmonic Orchestra, Sing Rose, and Tyler Bunch. By John Alan Rose. Classical. Classical. Navona Records NV6157. Published by Navona Records $ - Songs From Great Operettas — Jacques OffenbachClassical Vocal, Piano — Softcover Book — Composed by Jacques Offenbach 1819-1880. Vocal, Repertoire. Offenbach's Songs from the Great Operettas. Softcover Book. 224 pages. Dover Publications 9780486233413. Published by Dover Publications $ Music — Barry RoseSATB Choir and Organ — Book Only — SacredA Collection of 20th Century Choral Works for Mixed Voices Vocal Score. By Barry Rose. Edited by Barry Rose. Music Sales America. A collection of twentieth-century choral works for mixed voices selected and edited by Barry Rose. Sacred. Book Only. 94 pages. Novello & Co Ltd. MUSNOV078531. Published by Novello & Co Ltd. $ Nicene Creed — Mary Rose JensenPiano/Vocal/Chords,Voice,Choir — Sheet Music Single — Contemporary Classical,Christian,General Worship,Christmas,EasterComposed by Mary Rose Jensen. Arranged by Brian Green, Mary Rose Jensen. Contemporary Classical, Christian, General Worship, Christmas, Easter. Sheet Music Single. 7 pages. Published by Garden Rose Music $ I Can Can — Jacques OffenbachBeginning Strings — Score and Parts — Composed by Jacques Offenbach 1819-1880. Arranged by Elliot Del Borgo. Print-instrumental Beginning Strings. FJH Beginning Strings. Offenbach's Can Can has been a popular tune for years among young string students. Elliot has expanded the version found in most method books to create a superb arrangement with plenty of teaching potential while keeping student excitement high. Strongly . Score and Parts. Duration 207. The FJH Music Company Inc ST6031. Published by The FJH Music Company Inc $
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